Université de Franche-Comté

Mobilités en perpétuelle mutation

Du trajet individuel au mouvement de foule, de l’itinéraire de quartier au déplacement de populations entières, du voyage d’affaires éclair à la migration de longue durée, la mobilité, choix ou astreinte, tisse ses réseaux sur toute la planète.

Le phénomène prend de l’ampleur et présente de nouveaux visages, incarnant un enjeu fondamental de l’organisation des territoires et des sociétés.

 

 

SOMMAIRE

– Besançon, clonée sur modèle numérique

– La personnalité déteint sur la mobilité

– L’habitude plus forte que la raison

– Entreprise : les liens du sol

– Retour à la terre industrielle

– Pérégrinations de populations

 

– La mobilité a changé

 

  

 

Besançon, clonée sur modèle numérique

Spécialiste du déplacement au quotidien et de la mobilité résidentielle depuis plusieurs années, le laboratoire ThéMA développe depuis 2007 un modèle numérique intégrant une population dite synthétique, élaborée pour l’ensemble d’une ville à partir des données de quartiers fournies par l’INSEE. Jean-Philippe Antoni et son équipe de géographes, secondés par des informaticiens et aidés par la puissance de feu des ordinateurs du Mésocentre de calcul de Franche-Comté, ont ainsi fait naître une population-bis de la ville de Besançon dans un logiciel où chacun de ses 180 000 « agents », aux caractéristiques et aux comportements proches de ceux de leurs alter ego humains, naissent, se rencontrent, fondent une famille, travaillent, prennent le bus, partent en vacances…

Près de trois ans ont été nécessaires pour bâtir cette ville et donner une dimension comportementale à l’ensemble de ses habitants, élaborer leurs trajets, déterminer les flux en fonction des moyens de transport utilisés, enfin donner des clés de gestion de la mobilité urbaine.

Un jeu grandeur nature que ne sont capables de concocter qu’une vingtaine de laboratoires dans le monde. Et un logiciel très abouti qui permet de construire des scénarios à l’infini : quelles répercussions sur la mobilité quotidienne si on supprime l’accès à telle route ? Si une ligne supplémentaire de bus est créée ? Si le prix du carburant augmente ? Certaines simulations apportent des résultats inattendus. Comme ce scénario élaboré avec les chercheurs du laboratoire Chrono-environnement sur le bruit, imaginant minimiser cette nuisance urbaine en étalant les horaires de départ au travail sur une matinée plutôt que les laisser se concentrer de 7 h à 9 h comme en réalité. Finalement, la permanence du bruit de fond généré à la place du pic de bruit est estimée plus préjudiciable encore par les médecins. Ou encore cette étude sur le télétravail, révélant que pour certaines personnes, le gain de trajet obtenu est largement et négativement compensé par le fait d’avoir à dissocier ses habitudes de son parcours quotidien. Prendre une baguette de pain à la boulangerie ou ses enfants à l’école suppose des trajets effectués tout exprès qui, additionnés, finissent par être plus longs que le trajet domicile / travail dans lequel ces « étapes » étaient programmées. « L’intérêt de la simulation est de montrer la complexité de la réalité, de la considérer de manière entière. »

« Créer une ville plus vertueuse » reste le credo du modèle bisontin, qui se peaufine et sera déclinable à d’autres agglomérations, même hors de l’Hexagone. Des contrats sont d’ores et déjà signés avec des villes comme Rio de Janeiro ou Alger pour mettre en application ses enseignements.

Vue aérienne de la boucle du Dous à Besançon

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La personnalité déteint sur la mobilité

À l’IRTES, Stéphane Galland se concentre sur la partie transports de la mobilité. Marche à pied, déplacement en fauteuil roulant, deux-roues motorisé ou non, voiture, bus… à l’intérieur d’un bâtiment comme dans une ville, des déplacements isolés de l’individu aux mouvements de foule. Avec son équipe, l’informaticien travaille depuis 2004 à la mise au point de modèles basés sur les principes de l’intelligence artificielle distribuée et la modélisation d’environnements virtuels, visant eux aussi à améliorer la mobilité en prenant en compte les comportements individuels. Presque autant de cas de figures que de personnalités. Jeune conducteur hésitant, personne à mobilité réduite, famille en balade, couple âgé, étudiant fan de rock ou adolescent branché…, les attitudes sont décryptées bien au-delà de la seule notion de déplacement. « Nos modèles peuvent intégrer par exemple la simulation de l’activité d’individus sur les réseaux sociaux, car ce type de pratique influence la mobilité, explique Stéphane Galland. Un appel à rejoindre un concert au FIMU de Belfort, répandu comme une traînée de poudre via twitter, et c’est le blocage assuré ! »

Le modèle made in UTBM a pris une part active à la création du réseau de bus Optymo de la ville de Belfort en 2007, et participe depuis à son développement, grâce, par exemple, aux données récoltées dans les bus par le biais de capteurs. Les compétences du modèle dépassent aujourd’hui les frontières de la ville et s’exportent vers un territoire plus vaste, les Flandres, où les chercheurs comtois étudient, en collaboration avec leurs collègues de l’université de Hasselt, la problématique du covoiturage. Ce moyen de transport est complexe à cerner car il intègre un grand nombre de critères de décision comme le profil social des individus ou l’influence de la politique locale de mobilité, s’ajoutant aux préférences culturelles des habitants, adeptes du vélo et de la marche à pied. « Ici le covoiturage intéressera davantage pour de longues distances. Le logiciel de simulation reproduit le processus de constitution et de négociation d’un équipage de covoiturage. Il met en adéquation les paramètres et les modèles de comportements pour aider les décideurs dans leurs actions de promotion de ce moyen de transport. »

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L’habitude plus forte que la raison

Vue d'une ville

Source : projet CliMig – Institut de géographie – Université de Neuchâtel

À ThéMA, Thomas Buhler développe le concept d’habitude comme une clé pour comprendre les pratiques de déplacement1. « L’individu n’est pas seulement une personne rationnelle prenant ses décisions en fonction d’un intérêt particulier ou de ses propres convictions. Il a intégré et incorporé des comportements qui le font agir en dehors de toute logique d’optimisation et dont il est pourtant le premier convaincu. » Il est très rare qu’une personne choisisse son mode de déplacement en sortant de chez elle le matin. « L’habitude est la règle plutôt que l’exception. » Sinon comment expliquer qu’en pleine ville on choisisse encore de faire 300 m en voiture pour aller chercher son journal un dimanche matin par beau temps ? De tels comportements tiennent de la psychologie, d’une certaine routine intellectuelle aussi. « Cela prend du temps de repenser l’ensemble de ses habitudes puisqu’elles font système. » Bien que l’automobile soit un mode de moins en moins efficace en ville, une personne très habituée profitera des inévitables bouchons pour envoyer des SMS, téléphoner ou discuter avec ses passagers. Dans une étude récemment réalisée à Lyon, le géographe remarque de plus que les personnes utilisant leur voiture très régulièrement organisent leurs déplacements selon un maillage complexe et du coup difficile à détricoter. Bien plus que ceux qui, eux, effectuent de simples allers et retours depuis leur habitation. Ces attitudes expliquent le relatif échec des politiques de modification de l’environnement urbain, même aidées par des campagnes de communication. « Ajouter des feux rouges pour décourager les gens de prendre leur voiture ? Ils la prendront de toute façon, et rédigeront davantage de SMS… », sourit Thomas Buhler, pour qui il faudrait profiter de moments où l’individu se montre plus rationnel dans la vie, comme la naissance d’un enfant dans un foyer, un déménagement ou un changement d’emploi, pour le convaincre du bien-fondé des choix publics.

Embouteillage vu dans un rétroviseur

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Entreprise : les liens du sol

L’individu se déplace, l’entreprise aussi. La mondialisation a provoqué la délocalisation de la production de nombreuses entreprises vers des pays qui offrent des ressources nouvelles ou des opportunités de marchés par rapport au pays d’origine.

Si l’industrie franc-comtoise n’échappe pas à la règle, elle reste au premier plan sur l’échiquier national : elle représentait 20,4 % des emplois de la région fin 2013 et 21,6 % de sa valeur ajoutée fin 2012 (source INSEE), ce qui vaut à la Franche-Comté son titre de première région industrielle de France.

Parallèlement à ce mouvement, certaines fonctions de service des entreprises ont été déléguées à des sous-traitants ou délocalisées. Quels sont les déterminants de la localisation des fonctions de services, notamment en Europe ? Et dans quelle mesure les choix d’implantation de ces fonctions de services influencent-ils l’activité de l’entreprise cliente, et par ricochet son territoire d’implantation ?

Vue de Techn'hom à Belfort

Photo Techn'hom – Teritoire de Belfort

La localisation des activités productives et les interactions entre industrie et services et leurs conséquences sur le développement territorial sont au cœur des travaux de Nathalie Kroichvili, enseignant-chercheur en sciences économiques à l’UTBM et membre du laboratoire IRTES, qui ajoute ici à ses compétences celles de Fabienne Picard et celles développées par Marie-Line Duboz et Julie Le Gallo au CRESE, le Centre de recherche sur les stratégies économiques de l’université de Franche-Comté. « Les services intégrés dans les entreprises s’externalisent depuis que ces dernières ont choisi de se recentrer sur leur cœur de métier dans les années 1980 et 1990 », explique-t-elle.

La gestion de la paie, la cantine, l’entretien des espaces verts, la logistique ou la R&D quittent ainsi le giron de l’entreprise locale et renaissent sous la forme de filiales ou de sociétés de services indépendantes qui, pour certaines, suivent le chemin emprunté par l’outil de production quelques années ou décennies auparavant, traversant les frontières au gré des opportunités. La proximité concerne essentiellement les services dits opérationnels, comme la maintenance de premier niveau ou l’entretien des locaux, qui nécessitent le recours à des prestataires sur place. Pour les services avancés, à forte valeur ajoutée, comme l’ingénierie ou le conseil, il n’existe pas de tendance franche, la nature de la relation de service et le niveau d’exigence de l’entreprise déterminant les pratiques. « En tout état de cause, souligne Nathalie Kroichvili, les entreprises comtoises savent pallier l’absence d’un service de proximité en s’adressant ailleurs. Le manque de prestataires n’est pas forcément un obstacle au développement des entreprises lorsqu’elles choisissent de rester sur leur territoire. »

Cependant, il est opportun de maintenir sur place des relais, des « passeurs de connaissances » capables d’intégrer localement l’apport de prestations fournies ailleurs, soit par des sociétés qui pourraient exercer leurs compétences dans des niches complémentaires à l’activité des grandes sociétés de services, soit par le développement de fonctions tertiaires avancées au sein de l’entreprise. C’est peut-être le chaînon manquant pour espérer « pérenniser un territoire industriel dans une économie de la connaissance où les relations local / global se redéfinissent », comme le souhaite Nathalie Kroichvili, s’inspirant de l’analyse de l’économiste Jean-Benoît Zimmermann. Pointant l’intérêt pour l’entreprise de construire des ressources spécifiques à long terme plutôt que naviguer au gré des opportunités, ce dernier  prône la création d’une « communauté de destins » dans laquelle l’entreprise inscrirait sa dynamique d’innovation dans un contexte de connaissances et de savoir-faire spécifiques à un territoire.

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La migration bien ancrée à l’université de Neuchâtel

Migration et mobilité constituent un domaine-clé de l’université de Neuchâtel. Plusieurs structures y participent : la Maison d’analyse des processus sociaux s’intéresse à la circulation des personnes, des richesses et des connaissances, et fédère différentes disciplines en sciences humaines. Très actif en matière de recherches depuis vingt ans, le Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population lui est associé. Enfin, le CDM, Centre de droit des migrations, réunit les compétences des facultés de droit de Neuchâtel, Berne et Fribourg et celles de la faculté des lettres et sciences humaines de l’université de Neuchâtel, et organise régulièrement colloques et conférences autour du thème de la migration.

La création du Pôle national de recherche On the move en 2014 assoit l’alma mater dans sa position de spécialiste pour toute la Suisse. Doté d’un budget de 17,2 millions de CHF sur quatre ans, le pôle a pour objectif l’étude et la compréhension des phénomènes migratoires sur le sol helvète.

 

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Retour à la terre industrielle

À une époque où ces concepts ont le vent en poupe, les territoires ont conscience de l’importance du capital humain et s’inquiètent des compétences dont elles vont pouvoir disposer.

À l’Institut de géographie de l’université de Neuchâtel, où il était collaborateur il y a quelques mois encore avant de briguer une chaire de géographie des mobilités à l’université de Lausanne, Patrick Rérat a réalisé une enquête sur le retour des jeunes diplômés dans le canton du Jura à l’issue de leur formation2. Et constate que la situation est moins défavorable qu’on le craint généralement dans un territoire d’envergure limitée. Si le Jura est certes l’un des cantons qui perd le plus de jeunes diplômés en Suisse, 40 % d’entre eux quand même effectuent un retour au pays. Il faut noter que les diplômés HES, les Hautes écoles spécialisées de Suisse qui regroupent des formations appliquées de niveau ingénieur, sont plus en phase que ceux de l’université avec le tissu économique local, et sont 52 % à revenir dans le Jura.

Paysage du Jura

On observe que depuis quarante ans, la mobilité entre de façon de plus en plus évidente dans les comportements. En 2000, 2 % des travailleurs suisses seulement étaient concernés par des trajets d’une heure ou plus, un chiffre porté à 10 % dix ans plus tard. « À la campagne comme à la ville, les gens préfèrent de plus en plus la mobilité quotidienne à un changement de résidence. » Mais pour certains, la mobilité n’est pas un choix, c’est le manque de logements qui oblige à se déplacer, une tendance facilitée par des transports publics performants. Pour Patrick Rérat et nombre de scientifiques, les mesures de renforcement des infrastructures ne constituent pas une solution à long terme. « Si l’offre de transports augmente, la demande se renforcera également. On ne s’attaque pas vraiment à la cause du problème. Il faudrait prévoir la création de nouveaux logements là où c’est nécessaire, une décision qui reste l’apanage des cantons et des communes. La politique de logement est quasi inexistante au niveau fédéral », raconte Patrick Rérat.

La mobilité oscille entre aspiration et contrainte. Les raisons motivant ou non le retour des jeunes diplômés jurassiens sont aussi à double facette. Le réseau social existant, l’attachement à sa région, une opportunité professionnelle intéressante, enfin un cadre de vie proche de la nature plaident en faveur du retour. Ce sont les mêmes critères, imprimés en négatif, qui le découragent. Le réseau social compte également, mais c’est celui qu’on s’est forgé dans la ville où on a suivi ses études qui incite à rester dans cette cité d’adoption. L’opportunité professionnelle est toujours un moteur, elle est ici assortie de meilleures perspectives de carrière. Même importance accordée au cadre de vie, cette fois urbain, avec une offre culturelle et de loisirs attractive pour les jeunes actifs. « Dans les deux cas de figure, les critères économiques, de salaire ou de fiscalité jouent très peu », remarque le géographe.

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Pérégrinations de populations

Autre étude de cas, autre échelle… Comptant plus de quinze millions d’habitants, la mégapole de Manille, Metro Manila, présente des problèmes de mobilité évidemment sans commune mesure avec ceux de la Suisse tout entière, avec ses huit millions de ressortissants. Sous la direction d’Étienne Piguet, spécialiste international du rapport entre migration et changement climatique, Jérémie Guélat a choisi de consacrer sa thèse de doctorat aux Philippines, l’un des pays les plus vulnérables à l’évolution du climat*.

Le jeune géographe décrit ce que représente la mobilité au sein d’un État insulaire de près de 100 millions d’habitants, à la densité de population de 330 habitants/km². Pour comparaison, celles de la Suisse et de la France sont respectivement de 205 et 120 habitants/km² (source : Perspectives Monde, université de Sherbrooke, chiffres 2013).

Dix-sept villes se sont agrégées autour de Manille, l’ensemble formant Metro Manila, une gigantesque mégapole d’où les transports publics sont presque absents. « Il n’existe que trois lignes de chemin de fer, et les gens patientent pendant deux heures dans l’espoir d’attraper un train, témoigne Jérémie Guélat. Quelques bus circulent, ainsi que d’anciennes Jeep de la seconde guerre mondiale exploitées par des privés, mais ces prises en charge restent dérisoires et les axes routiers sont continuellement embouteillés par les voitures. Il est courant de compter trois ou quatre heures de transport pour aller à son travail comme pour en revenir. » Une situation contre laquelle le gouvernement n’oppose aucune politique sérieuse tant en matière de transports publics que de logements, et qui régulièrement s’aggrave sous le coup des aléas climatiques.

Pas moins de vingt-cinq typhons frappent les Philippines chaque année, et leur violence monte en puissance sous l’impact du réchauffement climatique. Réputé le plus fort jamais enregistré sur terre, avec des vents atteignant plus de 300 km/h, Haiyan a traversé fin 2013 des villes de plusieurs centaines de milliers d’habitants, causant la mort de 7 350 d’entre eux et provoquant l’exode de 4 millions de personnes.

« En principe, les déplacements consécutifs au passage d’un typhon sont de courte durée et s’effectuent à proximité relative des habitations. Ce n’est pas toujours vrai, comme le démontrent de façon dramatique les mouvements de population consécutifs au passage de Haiyan. »

Les épisodes de mousson sont par ailleurs plus intenses du fait du réchauffement climatique, causant des inondations incroyables, alimentées par les dix-sept fleuves traversant Metro Manila, et favorisées par l’insuffisance de canalisations rapidement obstruées de déchets. Spectacle de désolation récurrent, 80 % de la ville est sous l’eau, dont le niveau atteint 1,80 m par endroits.

« Les gouvernements devraient prendre acte de l’impact de ces catastrophes, pour éviter que de telles situations se reproduisent de façon peut-être plus tragique encore », souligne Jérémie Guélat. Dans le cas de Manille, qui, vulnérable, construite sur un terrain peu stable et dont les scientifiques annoncent qu’elle sera victime d’un tremblement de terre de grande ampleur à court terme, cumule les handicaps, l’idée de reconstruire la ville ailleurs a été émise. « Mais devant l’inertie des politiques, ce projet n’a que bien peu de chance d’aboutir. »

Inondations aux Philippines

Source : projet CliMig – Institut de géographie – Université de Neuchâtel

*L’Institut de géographie de l’université de Neuchâtel est impliqué dans le programme de recherche européen « Migrations, environnement et changements climatiques : éléments pour l’élaboration de politiques » lancé en mars 2014 par l’Organisation internationale pour les migrations. Ce projet prévoit d’enquêter dans six régions du globe concernées par ce phénomène : République dominicaine, Haïti, Kenya, Île Maurice, Papouasie – Nouvelle Guinée et Vietnam.

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Réfugiés climatiques

Si l’environnement et le changement climatique jouent un rôle dans la migration de population, celle-ci résulte plutôt d’une combinaison de facteurs. Hormis des cas extrêmes comme les typhons obligeant à l’exode, la sécheresse, les inondations ou encore la menace d’élévation du niveau des mers ne génèrent pas à eux seuls de déplacement de population massif : il faut pour cela que les événements climatiques s’ajoutent à d’autres raisons, économiques, sociales, démographiques ou politiques. « Ces aspects seront bien plus décisifs que le changement climatique dans les phénomènes de migration, prédit Jérémie Guélat, qui ajoute que les déplacements s’effectueront de toute façon en grande majorité à l’interne, faute de moyens, comme le montrent les études. Et même si certains effets frontière se font sentir, l’Europe et l’Amérique du Nord n’ont pas grand-chose à craindre ». De quoi rassurer les inquiets devant la peur du phénomène dit des « réfugiés climatiques ».

Outil de travail inédit, la base de données CliMig élaborée à l’université de Neuchâtel recense tous les articles parus sur le thème « Climat et migration dans le monde », établit une cartographie des recherches menées, apporte des éléments de connaissance et de rationalisation en même temps que les résultats obtenus. À noter que les États-Unis sont le pays le plus étudié par les chercheurs, surtout depuis les ravages causés par l’ouragan Katrina (55 études), suivis par le Bangladesh, l’un des pays où la situation est la plus alarmante (37) et le Mexique (25). Les Philippines, pourtant très concernées, n’ont pour l’instant fait l’objet que de trois études. Les statistiques et le contenu des études scientifiques sont à la disposition de tous sur https://climig.omeka.net

 

Carte des migrations dans le monde - Base de données CliMig

Migration, changement climatique et environnement : les études de cas menées dans le monde – Base de données CliMig

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La mobilité a changé

Par définition toujours en mouvement, la mobilité est un phénomène difficile à cerner et à quantifier. Si elle a de tout temps existé, elle représente des flux plus importants depuis plusieurs décennies, au cours desquelles elle a changé de visage. Les migrants à la recherche de conditions économiques plus favorables quittaient leur pays pour s’installer de façon quasi définitive dans un pays voisin. À ces situations se sont ajoutées celles, plus précaires, des migrantes qui, peu à peu, ont remplacé les femmes dans leur rôle traditionnel, par exemple auprès des enfants ou des personnes âgées, dans les pays où instruction et accès au travail ont été favorisés. Encore plus loin des schémas traditionnels, la mobilité « circulaire et durable » est un choix intégré au projet d’un individu, consistant à se déplacer d’un pays à l’autre pour se garantir la meilleure qualité de vie possible.

Ce type de trajectoire concerne aussi bien des salariés non qualifiés que nantis de hautes fonctions. En marge de ces situations de migration à long terme, il ne faut pas oublier l’essor de mobilités plus brèves comme celle des étudiants, ou celles liées au travail au quotidien, ainsi qu’aux vacances ou aux loisirs.

Ces appréciations sont le fruit des recherches de Janine Dahinden, qui occupe la chaire d’études transnationales à la MAPS, la Maison d’analyse des processus sociaux de l’université de Neuchâtel. « L’augmentation de la circulation des personnes est le résultat conjugué des restructurations économiques induites par la mondialisation, du développement des moyens de transport qui, par ailleurs, deviennent plus accessibles en terme de prix, et de l’émergence des nouvelles technologies de communication. Puis les causes deviennent des conséquences : les transports se développent d’autant plus que la mobilité prend de l’ampleur… C’est un effet de boucle », explique Janine Dahinden qui poursuit : « Dans ce contexte, les réfugiés ou requérants d’asile, qui bénéficient d’un écho médiatique important compte tenu des tragédies récentes que l’on sait, ne représentent en réalité qu’une partie mineure de la migration internationale dans sa globalité. »

La spécialiste souligne que le concept de circulation des personnes est devenu un problème avec la formation de l’État-nation moderne. « Dans ces États où l’on est citoyen ou non citoyen, avec des droits spécifiques à chacun, les migrants deviennent une exception, un problème. La logique nationale ressort très fortement dans les politiques migratoires qui, par ailleurs, raisonnent à partir de schémas périmés qui ne tiennent pas compte de la nouvelle donne de la mobilité. »

Camp de réfugiés

Source : projet CliMig – Institut de géographie – Université de Neuchâtel

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Pour en savoir plus…

1 Buhler T., Déplacements urbains : sortir de l’orthodoxie – Plaidoyer pour une prise en compte des habitudes, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2015.

Frankhauser P., Ansel D. (sous la direction de), La décision d’habiter ici ou ailleurs, éditions Economica, collections « Villes », 2012.

2 Rérat P., Après le diplôme – Les parcours migratoires au sortir des hautes écoles, éditions Alphil, 2013.

Piguet E., Laczko F., People on the move in a changing climate – The regional impact of environmental change on migration, éd. Springer, 2013.

People on the move in a changing climate – A bibliography, https://climig.omeka.net

 

  

 

Contacts :

Jean-Philippe Antoni / Thomas Buhler

Laboratoire ThéMA

Université de Franche-Comté

Tél. (0033/0) 3 81 66 55 11 / 54 81

Patrick Rérat / Jérémie Guélat

Institut de géographie

Université de Neuchâtel

Tél. (0041/0) 21 692 43 30 / (0041/0) 32 718 17 93

Janine Dahinden

MAPS

Université de Neuchâtel

Tél. (0041/0) 32 718 14 80

Stéphane Galland / Nathalie Kroichvili

Laboratoire IRTES

UTBM

Tél. (0033/0) 3 84 58 34 18 / 32 03

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