Université de Franche-Comté

Microdécolletage : tremper l'acier d'abord

Axes, vis, tenons, pignons…, plusieurs dizaines de pièces métalliques minuscules composent le cœur d’une montre mécanique. L’évolution des contraintes environnementales obligeant à recourir à de nouveaux aciers, les problèmes de qualité générant des rebuts importants chez les fabricants, et le souhait de gagner en autonomie pour l’approvisionnement de ces composants dans les manufactures horlogères invitent à travailler, à l’échelle du micromètre, à de nouvelles techniques de décolletage.

Technique de prédilection de nombreuses entreprises de la région, le décolletage consiste à fabriquer des pièces à partir de barres de métal, par une succession d’opérations d’usinage de précision réalisées sur une seule machine. Mais le savoir-faire acquis se heurte aujourd’hui à l’exploitation de nouveaux matériaux, plus difficiles à travailler car exempts de certains éléments comme le plomb ou le nickel, ainsi que l’exigent les directives européennes. Spécialiste du micro-usinage sur métaux durs, une équipe de chercheurs menée par Michaël Fontaine au département Mécanique appliquée de l’Institut FEMTO-ST a rejoint le consortium d’industriels impliqué dans le projet Micro-D2, dédié au « microdécolletage de matériaux difficiles (1). » Les chercheurs ont mis au point une technologie de rupture en modifiant les étapes du processus de fabrication : « Plutôt que tremper les pièces pour les durcir après les opérations de décolletage, les barres en métal sont prétrempées avant l’usinage. »

tenon 1 tenon 2

Micro-D2 : optimisation du procédé de décolletage sur tenon de mouvement horloger

Résultats concluants

Les premiers essais ont au départ concerné des composants relativement simples, comme des tenons, avant de passer à des formes complexes, comme des axes de sonnerie. Dans tous les cas, les tests sont concluants, les pièces atteignent une dureté équivalente à celles fabriquées traditionnellement, et dans des matériaux compatibles avec les normes environnementales REACH. « Pour certaines pièces, comme les axes de sonnerie qui mesurent 4,5 mm de longueur pour des diamètres allant jusqu’à 0,25 mm, les rapports de forme très importants impliquent des risques de déformation également très grands, que le durcissement du métal en amont permet de limiter », explique Michaël Fontaine.

Pour déterminer les aléas de fabrication et s’assurer de la viabilité du procédé, toutes les pièces produites font l’objet de caractérisations après tournage, taillage et même roulage, notamment grâce à des méthodes optiques avec reconstruction d’images 3D des surfaces, mettant en évidence les bavures ainsi que les états de surface selon des critères linéiques ou surfaciques. Les essais de fabrication ont été effectués à la fois au laboratoire et en entreprise, sur les équipements propres à chacun, et les mesures de caractérisation réalisées à l’Institut FEMTO-ST, pour tous les lots de pièces fabriquées. Les opérations d’usinage elles-mêmes ont été surveillées par mesure de micro-efforts et observation des micromouvements en caméra rapide sur la machine STAR SB-12, financée par la région Franche-Comté en 2015.

La preuve de concept technologique est désormais faite, il reste aujourd’hui à améliorer la durée de vie des outils d’usinage pour déterminer la valeur ajoutée réelle du procédé. Dans ce but, le projet fera l’objet d’une prolongation de sept mois après sa date de clôture initialement envisagée à fin 2018. Micro-D2 implique les entreprises DDLG, qui porte le projet, FRALSEN, BARON et IDMM ; il fait l’objet de financements de l’Europe via le fonds FEDER, de la Région Bourgogne – Franche-Comté et de BPI France. Micro-D2 s’inscrit dans les développements de la plateforme MIFHySTO, hébergée à l’ENSMM, et ses résultats pourront, outre l’horlogerie et les microtechniques, se décliner à d’autres domaines, notamment le biomédical, la connectique, l’aéronautique et le spatial.

 

(1) Micro-D2 est un projet élu au titre de la stratégie régionale de l’innovation pour la spécialisation intelligente (RIS 3)

 

Contact :

Michaël FontaineDépartement Mécanique appliquée – Institut FEMTO-ST – UFC / ENSMM / UTBM / CNRS

Tél. +33 (0)3 81 66 67

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