Université de Franche-Comté

Mandeure, la belle Gauloise

Ses atouts étaient multiples et ce n’est pas sans raison que Mandeure connut à l’époque gallo-romaine un développement exceptionnel. Érudits, férus d’histoire ou simples curieux, elle les a tous passionnés au fil des siècles, et c’est avec un intérêt toujours renouvelé que les scientifiques travaillent à retracer son destin dans un programme de recherche d’envergure mené depuis bientôt dix ans.

 

 

L’agglomération antique de Mandeure-Mathay (25) était la seconde de toute la Séquanie et venait en termes d’importance géographique et urbaine se placer juste derrière l’oppidum de Besançon (Vesontio). Cité gauloise, Epomanduodurum s’implante à la fin de l’âge du fer dans la vallée du Doubs. Abritée par l’un de ses méandres, à l’instar de Vesontio dans sa boucle, elle se développe aussi le long de la rivière, sur une terre riche en alluvions. Située en limite de voie navigable, à un carrefour de communications naturelles important entre massifs des Vosges et du Jura, vallées de la Saône et du Doubs, Epomanduodurum doit avant tout son expansion à son emplacement stratégique.

 

 

Plan topographique de la ville antique (DAO P. Barral, M. Thivet)

Plan topographique de la ville antique (DAO P. Barral, M. Thivet)

 

 

De cette période gauloise subsiste l’un des plus grands, et au demeurant l’un des rares sanctuaires gaulois jamais mis au jour en France. Sur ce site, les perles de verre, fibules, monnaies et armes de guerre retrouvées sont autant de témoignages d’offrandes aux divinités. Plusieurs pièces rarissimes, en tôle de bronze, ont traversé les siècles pour se livrer à la passion et à l’émerveillement des chercheurs : des fragments de carnyx — trompettes de guerre dont le pavillon représente la gueule béante d’un sanglier — et ceux d’enseignes, également en forme d’animaux. À l’époque gallo-romaine, Epomanduodurum s’étend sur 180 hectares et voit son activité urbaine s’intensifier. Le théâtre antique, deuxième grand édifice du site, est aussi l’un des plus grands de Gaule. Le commerce et l’artisanat ont, eux aussi, laissé des traces ; de nombreux ateliers de potiers sont par exemple retrouvés en périphérie de la ville.

 

 

 Vue aérienne du théâtre, depuis le Nord, dans son état actuel

 

Vue aérienne du théâtre, depuis le Nord, dans son état actuel

 

 

Au cours des IVe et Ve siècles, Epomanduodurum est victime des troubles de la fin de l’Antiquité. C’est le déclin des manifestations culturelles et religieuses, au profit d’une intense activité militaire : on retrouve de nombreux et imposants murgers, vestiges des fortifications érigées alors. La chute de l’Empire romain apporte des transformations politiques considérables et signe la fin de la cité. La ville est abandonnée pour Montbéliard, mieux exposée sur la voie navigable du Doubs.

 

 

 

Des techniques de pointe pour connaître l’Antiquité

 

Les fouilles, pour être nécessaires, n’en sont pas moins aujourd’hui le tout dernier épisode d’un processus de recherche. Des méthodes modernes, notamment la prospection géophysique, permettent de faire raconter à la Terre son histoire en toute certitude et en des temps records. Par l’envoi d’ondes électriques, sismiques ou radar dans le sol, on obtient des réponses différentes selon sa nature. Des tracés de bâti, de rues apparaissent alors sans besoin de donner un seul coup de pioche. La méthode magnétique enregistre, elle, les variations du champ magnétique terrestre induites par les anomalies du sous-sol et permet de cartographier remblais, fossés, vestiges magnétiques tels que fours, foyers… Toutes ces informations sont enrichies des données transmises par la photographie aérienne, ou encore par l’étude de documents du passé. Ainsi le cadastre napoléonien révèle certaines anomalies correspondant à des éléments antiques (voies, fossés…) enregistrés dans le plan parcellaire. La combinaison de toutes ces analyses permet alors d’établir des conclusions fiables et exploitables pour le chercheur.

 

 

 

 

Un travail de collaboration permanente

 

Plusieurs laboratoires universitaires sont impliqués dans le chantier démarré en 2001. Philippe Barral, ingénieur de recherches au laboratoire Chrono-environnement de l’université de Franche-Comté, est le coordinateur des équipes et des travaux. Le programme, mis en place par le ministère de la Culture et de la communication, est une coopération entre Besançon, Dijon et Strasbourg. Il reçoit la participation des universités de Lausanne, Paris IV et Paris VI. Au total, plus de trente chercheurs et étudiants apportent leur pierre à l’édifice de la connaissance du site de Mandeure-Mathay.

 

 

Une histoire riche en rebondissements

S’il est connu dès le XVIe siècle, c’est surtout à la fin du XVIIIe et au cours du XIXe siècle que le site de Mandeure- Mathay attire les passionnés. Mandeure est à cette époque un tout petit village, ce qui facilite grandement les travaux de fouilles des érudits locaux. Le théâtre, encore en élévation, est dégagé à la fin du XIXe siècle. De très nombreux éléments sont mis au jour et constituent dès cette époque de très belles collections visibles dans les musées de Montbéliard et Besançon notamment. Ces collections présentent un intérêt scientifique considérable et sont aujourd’hui enfin étudiées de manière exhaustive. Les fouilles, interrompues avec la première guerre mondiale, ne reprendront véritablement qu’après la seconde. Les édifices comme le théâtre, pourtant classé monument historique, sont réquisitionnés pour fournir les pierres nécessaires à la reconstruction des villages. Jusque dans les années 1980, les recherches restent limitées. De nouvelles lois archéologiques sont adoptées durant cette décennie et imposent des travaux de fouilles pour éviter toute destruction de site occasionnée par les aménagements urbains. C’est ainsi que sont révélés une nécropole gauloise et des quartiers artisanaux antiques.

 

C’est en 2001 que se met en place le vaste programme mêlant techniques les plus modernes d’investigation et étude des pièces et documents légués par les travaux antérieurs. Mené par des chercheurs venant d’universités françaises et suisses, le projet répond à plusieurs attentes ambitieuses et complémentaires. Connaître l’histoire de la cité est bien sûr un objectif prioritaire. Il se double d’une dimension environnementale. Quelle a été, au fil des siècles, l’interaction entre l’homme et le milieu naturel de l’époque ? On sait par exemple que certaines années très froides et très pluvieuses ont été à l’origine de périodes d’inondations telles que les habitants ont dû trouver les moyens de rehausser la ville pour la sauver des eaux dévastatrices. Soumise à des recherches sans précédent, l’antique Epomanduodurum n’a sans doute pas fini de livrer tous ses secrets… 

 

 

Contact : Philippe Barral

Laboratoire Chrono-environnement

Université de Franche-Comté

Tél. (0033/0) 3 81 66 54 24

 

 

Mandeure dans l’Antiquité : une ville sur le Doubs

 

Jeudi de l’environnement le 29 octobre 2009 à 18 h 30 à l’IUFM du Fort Griffon (Besançon)

Quels liens a entretenus Mandeure avec le Doubs ? Des réponses venues du passé peuvent venir éclairer des choix très actuels à l’heure de changements climatiques. L’équipe viendra discuter avec le public de ses résultats à l’occasion d’une rencontre organisée par le laboratoire Chrono-environnement et la mission Culture scientifique de l’université de Franche-Comté.

 

 

Contact : Anne Vignot

Laboratoire Chrono-environnement

Université de Franche-Comté

Tél. (0033/0) 3 81 66 64 47

 

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