Université de Franche-Comté

Maladie de Lyme et psychiatrie

Photo Ochir-Erdene Oyunmedeg / Unsplash

Au cœur de débats scientifiques, médicaux et politiques depuis de nombreuses années, la maladie de Lyme défraie régulièrement la chronique. La diversité des espèces de tiques à l’origine de la transmission, elles-mêmes porteuses de différents agents pathogènes, ainsi que la variété des symptômes déclarés, expliquent en grande partie les difficultés à identifier, prendre en charge et soigner la maladie. Les troubles psychiatriques ne figurent pas parmi les plus connues des manifestations inscrites à son tableau clinique. C’est le sujet qu’a choisi d’étudier Maxime Saam dans sa thèse en médecine, qu’il a soutenue en septembre dernier à l’université de Franche-Comté.

Maxime Saam fait le point sur la maladie de Lyme à partir des données scientifiques disponibles, recense les troubles psychiatriques qui lui sont imputables en leur donnant des clés de compréhension, enfin formule des recommandations en termes de traitement et de pratiques pour tenter de mieux cerner cette maladie protéiforme.

Découverte au XIXe siècle, la maladie de Lyme voit son nom, hérité d’une petite ville du Connecticut, adopté par la communauté scientifique en 1977. C’est en 1982 que l’agent pathogène à l’origine de la maladie est identifié : un complexe bactérien du genre Borrelia, depuis les années 2000 requalifié en Borreliella. L’infection est transmise par des tiques du genre Ixodes sp., qui avec 245 espèces, sont les plus nombreux des acariens. Malgré l’absence de surveillance mondiale standardisée, les données épidémiologiques permettent de dresser un état des lieux de la maladie, qui se développe surtout dans l’hémisphère Nord. En Europe, la Slovénie, l’Autriche et les Pays-Bas sont les pays les plus touchés, enregistrant un taux d’incidence respectif de 206, 135 et 103 cas pour 100 000  habitants. En France, les chiffres de l’année 2016 font état de 84 cas pour 100 000 habitants. Les études conjuguées de Santé publique France, du réseau Sentinelle et du Centre national de référence des Borrelia indiquent que l’Alsace et le Limousin sont les régions les plus touchées et que la plus forte incidence concerne la tranche d’âge 60-69 ans.

 

Des symptômes difficiles à cerner

Si les symptômes de la maladie sont variés, trois stades d’évolution sont cependant identifiés : une forme localisée précoce, caractérisée par un érythème migrant s’étendant autour de la piqûre ; une forme disséminée précoce qui voit apparaître d’autres lésions cutanées et la bactérie se diffuser au système nerveux central, aux articulations, plus rarement aux yeux et au cœur, ces trois dernières affections pouvant apparaître au-delà des six mois suivant la piqûre, faisant alors entrer la maladie dans une forme disséminée tardive. Les troubles psychiatriques pouvant être mis sur le compte de la maladie de Lyme présentent des formes également très diverses. En 1922, des médecins français décrivent des cas de « paralysie par les tiques ». En 1990, il est établi que l’importance des manifestations psychiatriques peut dominer le tableau clinique, avec des états d’agitation, des syndromes dépressifs associés à des idées suicidaires, voire des démences. Dans les années suivantes, des cas présentant des troubles bipolaires de l’humeur, des troubles paniques sévères, une dépersonnalisation, des troubles du sommeil et une anorexie sont relevés. Un tableau suffisamment inquiétant pour proposer des études de dépistage systématique en centre hospitalier psychiatrique, en Europe et aux États-Unis, qui pour l’instant ont donné des résultats contrastés. Il est cependant sûr que des troubles psychiatriques peuvent être directement imputés à la maladie de Lyme, un constat renforcé par la mise en évidence depuis les années 2000 d’interactions possibles entre système immunitaire et système nerveux central, entre processus neuro-inflammatoires et psychiatrie. Outre ces pistes qu’il reste à creuser, il est également certain que les symptômes somatiques de la maladie de Lyme peuvent s’accompagner d’une comorbidité psychiatrique importante, d’une détresse psychologique comparable à celle éprouvée par les patients atteints de douleurs chroniques ou infectés par le VIH. Dans tous les cas, Maxime Saam pointe le doigt sur l’intérêt de prendre en compte ces facteurs dans la prise en charge de la maladie de Lyme.

 

Article paru dans le n°286 (janvier-février 2020) du journal en direct.

Contact(s) :
UFR Santé - Université de Franche-Comté
Maxime Saam
Tél. +33 (0)3 63 08 22 00
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