Université de Franche-Comté

Ma thèse à 91 ans  

En 1983 à Besançon, Colette Bourlier, enseignante en histoire-géographie, prend une retraite sans doute bien méritée. Retraite ? Le terme paraît incongru, puisqu’à peine quittée l’estrade du lycée, Colette Bourlier rejoint les bancs de l’université de Franche-Comté. Motivée par son engagement dans la vie associative pour l’accueil et l’alphabétisation des migrants, elle décide de se lancer dans une vaste étude sur « les travailleurs immigrés à Besançon dans la seconde moitié du XXe siècle ». C’est ainsi que s’intitule son sujet de thèse, à laquelle l’ex-enseignante s’est consacrée pendant plus de trente ans. Un gigantesque travail de fourmi, une recherche minutieuse et obstinée qui s’est conclue le 15 mars dernier par la soutenance publique de la thèse. Colette Bourlier est alors âgée de 91 ans. On ne peut que s’incliner de respect devant un exploit aussi étonnant et une personnalité hors du commun. Cela n’empêche nullement de souligner la qualité du travail accompli, dans lequel se lisent un recueil d’informations exhaustif et une analyse rigoureuse des données.

Au milieu du XXe siècle, la population étrangère de Besançon est composée principalement d’Européens de Suisses ayant quitté leur pays pour des raisons politiques, pour la plupart des horlogers, et d’Italiens du Nord embauchés pour les besoins du BTP et de l’industrie. L’immigration s’intensifie à partir des années 1950 à la mesure du développement de ces deux secteurs, et concerne désormais des migrants venus de toute l’Italie, d’Espagne, d’Algérie, puis dans les années soixante-dix, du Maroc et du Portugal, et plus tard de Turquie. Après les Trente Glorieuses, la crise et le chômage sapent l’économie et changent complètement la donne. Ce tableau brossé à grands traits est, dans la thèse, peint dans les détails : accueil des migrants par la ville, modifications des politiques migratoires, intégration, place du travail des migrants dans l’économie, évolution par types d’emploi, mise en place du regroupement familial, démographie, bouleversements sociologiques…, les analyses sont complètes, pointues, elles s’appuient sur des statistiques rigoureuses, qui, menées à l’aune de la cité comtoise, se mesurent également à d’autres dimensions, notamment à l’échelle nationale. Le demi-siècle d’immigration étrangère à Besançon passé au crible méticuleux de Colette Bourlier constitue un socle solide sur lequel pourront s’appuyer de futurs travaux en géographie, en histoire, en sociologie ou en économie. Parfois, la valeur attend le nombre des années…

Contact :

Ludovic Jeannin

Ecole doctorale LETS – Langages, espaces, temps, sociétés

Université de Franche-Comté

Tél. +33 (0)3 81 66 53 03

retour en haut de page

retour