Université de Franche-Comté

Les rois jouent cartes sur table

Savez-vous que le belliqueux Napoléon Ier était un grand admirateur de Corneille et un fin connaisseur de musique italienne ? Que sorti de sa poule au pot, Henri IV a fait achever ou agrandir tant de châteaux qu’on peut comparer ses talents de bâtisseur à ceux de François Ier ? Ou encore que Louis XVI était passionné de géographie et de voyages, bien qu’il n’ait quasiment jamais quitté Versailles ?…

Se jouant des légendes et rumeurs qui ont de tout temps jalonné la vie des têtes couronnées de France voire de Navarre, l’historien Jean-François Solnon, chercheur au laboratoire des Sciences historiques de l’université de Franche-Comté, a souhaité établir des vérités et en rétablir d’autres dans deux ouvrages parus cette année aux éditions Perrin.

Dans Le Goût des rois, l’auteur cherche à découvrir l’homme derrière le souverain, évitant les thèmes rebattus de la chasse et des femmes. De François Ier à Napoléon III, c’est au goût personnel des monarques qu’il s’intéresse, un angle de recherche inédit et réservant quelques surprises… Dans Louis XIV – Vérités et légendes, provoquer l’étonnement est clairement un parti pris. L’ouvrage revient sur les approximations et les invraisemblances que l’universitaire n’a pas manqué de repérer tout au long de sa carrière. Vérité historique et honnêteté scientifique tissent donc le fil conducteur de ces deux ouvrages qui donnent à voir les puissants autrement.

Napoléon III, père de l’archéologie moderne

Loin de l’apparat du pouvoir et même de l’image du mécène qui sert plus leur intérêt politique que leur sensibilité, les violons d’Ingres des monarques se dévoilent dans Le Goût des rois et les rend plus humains. Architecture, peinture, musique, danse, mécanique d’art, à laquelle s’apparente le travail de Louis XVI sur des serrures sophistiquées — un passe-temps injustement traité avec mépris par la postérité —, artisanat encore avec la réalisation d’objets en ivoire ou en argent tournés par Louis XV, sciences enfin, dès lors que celles-ci commencent à émerger… « Napoléon III en était un passionné, confie Jean-François Solnon. Il a protégé Pasteur à plusieurs reprises contre ses détracteurs, et l’a nommé sénateur à vie. Il a en outre beaucoup œuvré pour l’archéologie, encourageant par exemple les fouilles d’Alésia en Côte-d’Or, au point d’être reconnu par les spécialistes comme un pionnier de l’archéologie moderne. » D’un domaine à l’autre, la culture des souverains reste marquée par un goût classique, voire conservateur. Si peu d’entre eux ont insufflé ou soutenu des idées novatrices, il n’en demeure pas moins que leur sensibilité artistique, exprimée de multiples manières, a profité d’une façon ou d’une autre à leur royaume.

Vie privée, vie politique, les soixante-douze ans du règne de Louis XIV sont truffés d’anecdotes plus ou moins véraces, de légendes et de demi-mensonges. Jean-François Solnon se fait l’avocat du diable en démontant certaines idées reçues en quarante chapitres courts et percutants, nourris de recherches documentaires des plus pointues. Grande Histoire et petites histoires se mêlent. On apprend ainsi dans Louis XIV – Vérités et légendes qu’il est faux de prétendre que le roi ne se lavait pas ou que Versailles a ruiné le royaume. Le Roi-Soleil n’aurait par ailleurs jamais prononcé cette phrase qu’on lui prête volontiers : « L’État c’est moi ! ». Le masque de fer reste une énigme. Le mythique prisonnier a alimenté nombre d’hypothèses, relayées d’Alexandre Dumas à Marcel Pagnol. La dernière identité qu’on lui prête est celle d’un domestique mis au secret pour avoir surpris une correspondance entre Louis XIV et Charles II, le roi d’Angleterre. L’Histoire conservera toujours une part d’ombre et de mystère…

Couverture du livre

Solnon J.-F., Le Goût des rois – L’homme derrière le monarque, éditions Perrin, février 2015 / Louis XIV – Vérités et légendes, éditions Perrin, juin 2015.

 

 

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