Université de Franche-Comté

L’energy harvesting, ou l’art de glaner dans les champs (électriques)

Les petits ruisseaux font les grandes rivières

 

L'idée, pour ancienne qu'elle soit, est séduisante : récupérer une partie de l'énergie dissipée dans la nature par les mouvements ou les appareils. Profiter des pertes d'énergie pour générer de l'électricité. Recueillir toutes celles engendrées par notre activité : chaleur, vibrations, mouvements du corps, freinage d'un véhicule. Vive l'opportunisme énergétique ! Cette idée a un nom  : le harvesting, ou l'art de moissonner l'énergie environnante.

 

 

Alors qu'aux temps des premières industrialisations, les machines, de par leur taille, nécessitaient une grande quantité d'énergie (et même si le rendement n'était pas fantastique, ce n'était pas la préoccupation première), l'avènement de l'électronique et la conception d'appareils de plus en plus miniaturisés et de moins en moins gourmands amènent progressivement leur consommation à l'échelle des pertes énergétiques. De plus, les pratiques de nomadisme poussent à s'affranchir du fil électrique, dernier fil à la patte, dernière contrainte à la mobilité parfaite.

 

Autre motivation, qui a prévalu au développement de solutions sans fil : équiper les machines industrielles de capteurs alimentés de façon autonome et sans fil. C'est le premier marché historiquement qui s'est développé, sans qu'il y ait pour autant un volume prodigieux. Les contraintes environnementales, en particulier la raréfaction des matériaux tels que le cuivre, ouvrent des perspectives à ces dispositifs sans fil, sans câblage, sans énergie fossile dans des domaines aussi traditionnalistes que le bâtiment. Les innovations ont eu tôt fait d'être transférées aux applications de masse, aux marchés beaucoup plus volumineux. Actuellement, trois marchés distincts peuvent être repérés : celui des produits industriels (maintenance des machines-outils, capteurs de pression des pneus des véhicules…), celui des produits de consommation de masse (ordinateurs portables, mobiles…) et celui du médical. Mais tous n'ont pas encore de réalité tangible, les innovations naissant petit à petit. Il existe déjà à Londres une piste de danse faite de dalles en matériau piézoélectrique, capable de transformer les vibrations des pas des danseurs en électricité, assez pour couvrir une partie (60 % selon le propriétaire) des besoins en lumière de la piste.

 

Il existe également des éoliennes équipées de capteurs alimentés par les vibrations de la structure. Une entreprise israélienne, INOWATTECH, commercialise des systèmes piézoélectriques qui collectent l'énergie provenant de mouvements, de vibrations ou de variations de pression et de températures. Ces systèmes, placés quelques centimètres sous la surface, équipent des routes, des chemins pédestres ou des chemins de fer. Pour un tronçon routier de 1 km de forte affluence, INOWATTECH annonce une production de 200 kWh pour une heure. Les mouvements du corps humain sont, eux aussi, repérés comme ressource — quasi — inépuisable. Un pacemaker peut maintenant être alimenté par des capteurs fixés sur les zones intercostales.

 

Malgré tout, de nombreux verrous résistent encore, d'autant plus que chaque application nécessite des développements particuliers, en fonction de la source d'énergie à collecter et de l'usage prévu.

 

Le phénomène direct de la piézoélectricité, qui transforme une pression mécanique en charges électriques, est le principe roi utilisé par le harvest, mais n'est pas le seul. Fort de ses compétences, entretenues depuis longtemps en piézoélectricité, mais aussi en micromécanique et conception de génératrices électromagnétiques, l'IPV a entrepris la quête de l'énergie dissipée. Il se concentre sur des applications spécifiques, stratégie qui s'entend très bien si l'on considère justement qu'à chaque application correspond un dispositif particulier.

 

 

Une microgénératrice au talon

La marche est par excellence une grande dissipatrice d'énergie, par la chaleur bien sûr, mais aussi par toutes les vibrations engendrées quand le talon touche le sol. D'où l'idée de glaner cette énergie par des dispositifs de conversion en énergie électrique. Il existe un tel type de système ayant déjà fait ses preuves, qui utilise les mouvements de bras pour alimenter une montre (la montre Samara Jean d'Ève).

 

Un des objectifs de l'IPV consiste à réaliser des démonstrateurs miniaturisés pour diverses applications allant de l'autonomie des capteurs jusqu'à celle des fantassins. Pour le moment, le projet en est au stade de simulation et d'optimisation. Partant de travaux déjà réalisés, notamment un démonstrateur réel prenant la forme d'une carte postale enregistreuse de messages vocaux grâce à l'énergie électrique produite par actionnement d'un bouton poussoir, le dispositif cœur va être redimensionné et amélioré à l'aide d'outils tridimensionnels de simulation multiphysique. Quel est le système en question ? Une microgénératrice électromagnétique. La pression du talon sur le sol est convertie mécaniquement en rotation. Un train d'engrenages permet ensuite de démultiplier la vitesse de rotation, en l'amenant à quelques dizaines de milliers de tours par minute. Le rotor ainsi constitué tourne autour du stator, ce qui génère le courant électrique. Ce système de base sera dupliqué dans une matrice dense, pour finalement concevoir un dispositif de 2 cm d'épaisseur sur 4 x 4 cm de surface. Il peut potentiellement produire une puissance électrique allant de quelques dizaines à quelques centaines de mW. Si ce projet se développe dans la plus pure tradition de la micromécanique, un autre aborde les composants piézoélectriques. Mais celui-ci est prévu pour d'autres applications, notamment alimenter des capteurs sans fil et autonomes — c'est-à-dire entièrement wireless —, nécessitant des puissances allant du μW au mW.

 

Maquette numérique du système d'entraînement de la microgénératrice 

 

Maquette numérique du système d'entraînement

de la microgénératrice

Une harpe en do majeur

L'IPV maîtrise une technologie d'assemblage des matériaux piézoélectriques, l'adhésion moléculaire (cf. supplément en direct n° 223, mars 2009) qui optimise à la fois les transmissions électriques et de vibrations entre deux couches assemblées. En utilisant cette technologie, l'IPV a imaginé un dispositif : la microharpe. Des lames vibrent à leurs fréquences de résonance, pour collecter le maximum d'énergie de vibrations.

 

Toute la difficulté de l'energy harvesting, quel que soit le dispositif utilisé, se situe bien là. Partant d'une source très hétérogène, par exemple des vibrations au spectre très large, quel « entonnoir » utiliser pour collecter et « concentrer » cette énergie ? En pouvant réagir à un très large spectre de fréquences, la microharpe résout en partie ce verrou. L'électricité produite par les micropoutres piézoélectriques peut ensuite être utilisée directement ou venir recharger un accumulateur, lorsque le courant a besoin d'être stable en intensité. Un démonstrateur est en cours de réalisation à l'IPV.

 

Schéma de principe de la harpe piézoélectrique 

 

Schéma de principe de la harpe piézoélectrique

 

 

Phase suivante, à la fois pour la microharpe et pour le générateur électromagnétique : trouver des investisseurs et transférer la technologie développée. Mais de la sueur et du temps sont encore nécessaires pour mettre au point les deux procédés.

 

Développés dans des gammes de puissance très éloignées, avec des applications en vue très différentes, ces deux exemples montrent le potentiel de l'energy harvesting et l'infinité de niches qu'il est possible de découvrir.

 

 

Contact : Claudia Laou-Huen

Service Communication

Institut Pierre Vernier

Tél. 03 81 40 57 08

 

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