Université de Franche-Comté

L’eau, patrimoine naturel de l’humanité

Depuis la création de notre planète voilà 4,5 milliards d'années, le volume d'eau présent sur Terre n'a pas changé. Pourtant les populations de l'an 2000 se heurtent à une nouvelle donne : la perte de qualité de l'eau assortie à des besoins croissants sont des nouveautés à l'échelle géologique, et mettent en péril l'équilibre de la planète bleue. Héritage précieux entre tous, l'eau demande protection.

 

 


  

 

 

SOMMAIRE

 

 

Introduction

 

Au fil des lois

 

 

La forêt amie de l'eau

 

 

Des membranes aux capacités considérables

 

 

Industrie et agriculture : devenir alliées de l'environnement

 

 

 


  

 

 

 

 

Site de la grotte Sarrazine (25)

 

Site de la grotte Sarrazine (25)

 

 

L'accroissement rapide et régulier de la population mondiale, quand un quart des 7 milliards d'habitants actuels n'a pas accès à l'eau potable, et des besoins en eau toujours plus importants, liés à l'augmentation de l'activité humaine… les grandes tendances indiquent de manière inquiétante à quel point l'eau, patrimoine héréditaire, convient d'être protégée.

 

Usages domestiques, collectifs et publics, agriculture, industrie, de nombreuses données sont disponibles pour dresser un état des lieux et favoriser la prise de conscience, telles que : la consommation moyenne d'eau, tous usages confondus, est d'environ 600 m3 / an / habitant, avec à l'extrême opposé 6 000 m3 aux USA et 7 m3 dans les pays du Sahel ; 10 000 litres d'eau sont nécessaires pour produire un jean en coton basique ; 1 kg de viande rouge nécessite 15 000 litres d'eau avant d'arriver sur l'étal du boucher, et une tasse de café contient en réalité 140 litres d'eau. La consommation de l'agriculture est à l'échelle mondiale la plus importante, de l'ordre de 50 %. L'industrie est moins gourmande, cependant les deux secteurs possèdent chacun une responsabilité propre quant à la pollution que leur activité génère sur les ressources. Dans un tel contexte, protection et traitement des eaux s'avèrent une priorité, pour laquelle se conjuguent la législation, l'instrumentation économique et les actions environnementales.

Retour sommaire

   

Au fil des lois

En Europe, la législation prend un véritable tournant avec l'adoption en 2000 d'une directive cadre fixant des objectifs pour un « bon état écologique des eaux » à l'horizon 2015. En 2006, une nouvelle directive européenne prévoit la protection des eaux souterraines contre la pollution, que la France transpose dans sa législation. La loi du 3 janvier 1992 rendait déjà obligatoire la mise en place de périmètres de protection sur l'ensemble des captages publics, trois zones emboîtées à la manière de poupées russes pour une protection immédiate, rapprochée et éloignée. Si l'on constate des améliorations certaines, de nombreux efforts restent à fournir. En France, les cours d'eau continuent à faire office d'assainissement et en 2011, 38 % des 33 000 captages publics n'avaient toujours pas fait l'objet d'arrêtés préfectoraux ; pour un grand nombre des autres, malgré l'arrêté pris, les travaux n'avaient pas été engagés.

 

Un constat mitigé qu'explique Benoît Grimonprez, spécialiste de droit privé au Centre de recherches juridiques de l'université de Franche-Comté. « Les lois sur l'eau sont peu connues et trop complexes. Si on retrace leur évolution, on s'aperçoit que les nouvelles lois se superposent à d'autres très anciennes et néanmoins toujours en vigueur. Il faudrait tout reprendre pour élaborer une loi homogène. »

Retour sommaire

 

 

 

La Loue à bout de souffle

Réalisés sur des échantillons, les relevés classiques et ponctuels de la qualité de ses eaux affichent des valeurs acceptables, pourtant la Loue est malade. Autres indicateurs de choix, les truites et les ombres sont décimés depuis 2009 et il faut bien y voir là le signe d'une mauvaise santé. La prolifération de cyanobactéries (algues bleues) toxiques sur la même période n'est pas pour rassurer. Si le lien entre les deux phénomènes n'est pas établi, pour Jacques Mudry, hydrogéologue à l'université de Franche-Comté, le diagnostic est sans appel. « Le milieu est à bout de souffle, l'écosystème ne peut plus encaisser tous les changements qu'on lui impose. »

 

Fragilisés par la dégradation globale de la rivière au fil des ans, les poissons sont devenus hypersensibles à de nouvelles modifications du milieu, comme la température ou le taux d'oxygène, la présence de polluants, les attaques parasitaires… Ainsi, le « champignon » Saprolegnia parasitica a-t-il très vite été désigné comme responsable de l'hécatombe, laissant cependant les spécialistes perplexes devant l'ampleur du phénomène. Apportant de nouveaux éclairages, une étude récente sur la mortalité piscicole de la Loue, du Doubs et de la Sorne, également touchés, a été menée par Lassaâd Belbahri, chercheur au laboratoire de biologie du sol de l'université de Neuchâtel, et vient de rendre son verdict. « Dans les trois rivières étudiées, tous les poissons malades étaient infectés par la même souche de Saprolegnia parasitica. Cette population pathogène est issue d'un seul et même clone, ce qui tend à prouver que la souche a été introduite récemment dans le milieu naturel. » Et si les recherches ne permettent pas d'identifier l'origine, probablement humaine, de la contamination, elles corroborent l'idée que des poissons affaiblis par un environnement défavorable deviennent des proies faciles pour ces pathogènes opportunistes et virulents.

 

 

Source de la Loue (25)

 

Source de la Loue (25)

 

 

Activités humaines et fragilité naturelle

Pour comprendre ces perturbations du milieu naturel, c'est tout le fonctionnement du bassin versant d'une rivière qu'il convient d'étudier. Pour la Loue, comme pour d'autres, l'activité humaine est bien sûr évoquée : impact de l'existence de barrages renforcé par l'évolution de l'occupation des sols, réchauffement climatique, augmentation de la production agricole, insecticides utilisés en forêt ou dans les scieries, rejets d'eaux usées (habitations non raccordées au réseau d'assainissement, déversoirs d'orage, trop-pleins de stations de capacité insuffisante, routes et parkings lessivés par la pluie conduisant des tonnes de micropolluants et métaux lourds vers la rivière…). Ajoutant à ces différents stress, le milieu karstique dans lequel la Loue évolue ne joue pas non plus en sa faveur : les roches fissurées, que ne protège guère la faible épaisseur des sols, sont de bons pourvoyeurs des polluants vers les aquifères abreuvant le cours de la rivière.

 

Un rapport d'expertise auquel a participé Jacques Mudry, publié en mars dernier, préconise de multiplier les données d'études fiables, permettant une interprétation pertinente des processus, par le biais d'indicateurs synthétisant plusieurs paramètres à la fois, et capables de prendre des mesures en continu et sur le long terme. C'est là toute l'ambition de programmes nationaux comme CRITEX, chargé, entre autres, de mettre au point des capteurs faisant appel aux technologies les plus récentes (cf. en direct n° 242, mai – juin 2012 ).

Retour sommaire

 

 

 

La forêt amie de l'eau

Servant ce cadre légal, de nombreuses initiatives et recherches plaident en faveur de la protection de l'eau. Dans la famille des eaux souterraines, les eaux captées en forêt sont d'excellentes ressources propres à la consommation humaine et font l'objet de toutes les attentions.

 

Comment la forêt protège l'eau ? Le projet Interreg Alpeau, élaboré avec des chercheurs de l'université de Neuchâtel, vient de se refermer sur des réponses et des conclusions encourageantes, impliquant scientifiques et techniciens de terrain dans une collaboration concrète. L'étude révèle que la partie supérieure du sol, de 20 à 30 cm d'épaisseur, est la partie filtrante la plus efficace de l'écosystème forestier. Branches, buissons, plantes, feuilles mortes, terre, racines puis horizons minéraux enfouis plus profondément, de la cime des arbres au sous-sol, chaque strate de l'écosystème forestier a un rôle à jouer. Mais c'est bien la forme d'humus décrite, riche en matière organique, qui est la clé de la filtration de l'eau.

 

Jean-Michel Gobat, directeur du laboratoire Sol et végétation de l'université de Neuchâtel, explique en quoi cette découverte constitue une excellente nouvelle. « Il est impossible, à court ou moyen terme, d'avoir un impact sur le sol profond à qui plusieurs milliers d'années sont nécessaires pour se constituer. Mais puisque le filtre principal est en surface, les forestiers, qui effectuent déjà un travail remarquable, vont disposer de nouveaux moyens d'agir pour assurer, à échelle humaine, son bon fonctionnement. » Il est par exemple préconisé de privilégier les forêts mixtes, où feuillus et sapins blancs garantissent une litière à pH neutre : l'intense activité des organismes favorise alors la fixation des métaux lourds dans l'humus et sur les argiles.

 

Les polluants organiques comme les pesticides sont, eux, dégradés en partie sur les feuilles déjà, puis par le sol. Certaines molécules restent cependant une énigme car on ne sait pas sous quelle forme elles se dégradent lorsqu'elles arrivent au sol. « On soupçonne certaines de se transformer en molécules parfois plus toxiques encore, mais qu'on ne sait pas détecter puisqu'elles nous sont inconnues ! »

 

Ce qui est définitivement certain, c'est que le sol forestier, pour assurer son rôle de filtre, doit faire l'objet des plus grandes attentions pour qu'à son tour il protège efficacement l'eau de la source.

 

 

Forêt de feuillus

 

  Retour sommaire

 

 

Disque de vulnérabilité à la pollution

Si les zones de protection sont bien définies dans les prairies, ce n'est pas le cas en forêt. François Zwahlen, chercheur au Centre d'hydrogéologie et de géothermie (CHYN) de l'université de Neuchâtel, a coordonné le projet Alpeau. Avec son équipe, il a mis au point un outil très simple et très efficace pour élaborer des cartes de vulnérabilité aux abords des captages. La méthode ForDisk permettra aux forestiers, dont le rôle de protection est essentiel, de mieux connaître le fonctionnement des aquifères situés en sous-sol, de savoir si la nature du site le rend sensible à la pollution, et donc de faire des choix adaptés en fonction du terrain.

 

Différents critères de sensibilité sont consignés sur ce disque à fabriquer soi-même, comme la distance entre le captage et le lieu d'intervention (abattage d'arbres par exemple), la nature du sol, les essences forestières présentes, le débit du captage… Leur mise en relation et leur pondération indiquent le facteur de vulnérabilité de la zone d'intervention. Cet outil très simple, déclinaison de la méthode scientifique ForSiG développée au CHYN, a récemment été distribué en France et en Suisse, et permet, à peu de frais, d'améliorer les pratiques forestières.

 

Retour sommaire

 

 

 

 

Aussi l'idée d'épandre les boues de station d'épuration en forêt est-elle envisagée avec précaution. Badr Alaoui-Sossé, physiologiste végétaliste au laboratoire Chrono-environnement de l'université de Franche-Comté, a mené une expérience dans ce sens sur le site expérimental de Melisey (70), où l'impact de l'épandage de boues a été mesuré sur une période de trois ans, de 2008 à 2011 (thèse financée par la Région Franche-Comté et l'ADEME). « Des relevés réguliers, comme le contrôle des caractéristiques de la solution du sol et l'analyse des champignons récoltés sur le site qui sont de véritables accumulateurs des ETM (éléments-traces métalliques), n'ont indiqué aucune atteinte de l'environnement. Cependant, les faibles quantités épandues à l'hectare pour cette expérimentation ne permettent pas de transposer ces conclusions sur des volumes réels (3 t / ha / an). » Le chercheur invite à la vigilance, notamment quant à la composition chimique des boues. La présence de rejets médicamenteux, une pollution dont il est encore difficile de peser les conséquences, est un sujet de préoccupation car hormones et antibiotiques, même à doses minimes, sont susceptibles de modifier le fonctionnement des écosystèmes.

  Retour sommaire  

Des membranes aux capacités considérables

Les stations d'épuration représentent des réseaux d'assainissement privilégiés. À l'intérieur, les techniques baromembranaires constituent une alternative aux étapes de décantation traditionnelles des eaux usées, certes plus coûteuse, mais plus efficace et écologiquement irréprochable.

 

Les membranes sont des filtres organiques ou céramiques possédant des pores de faibles dimensions, chargées de concentrer, purifier ou fractionner des mélanges de solutés. Planes ou prenant la forme de tubes, de fibres creuses, de spirales, elles sont assemblées dans des carters pour assurer le traitement de l'eau.

 

Si elles constituent des barrières physiques sélectives, les membranes fonctionnent de manière beaucoup plus élaborée que de simples tamis, dont l'exemple peut cependant expliquer le principe de base : retenir les solutés indésirables, dont la taille est supérieure aux pores du filtre. Mais cette action mécanique est renforcée par des interactions d'origine électrostatique lorsque les substances en solution sont chargées et que les pores atteignent de faibles dimensions. Les bioréacteurs à membranes des stations d'épuration utilisent en général la microfiltration, efficace pour séparer la biomasse de l'eau, fondée sur les effets stériques liés à la taille relative des pores et des solutés à filtrer, de l'ordre de 0,1 à 5 μm.

 

On parle d'ultrafiltration lorsque les pores atteignent 2 à 100 nm, permettant de retenir des molécules organiques indésirables comme les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) ou les pesticides. À cette dimension, le jeu d'interactions électrostatiques entre la membrane et le soluté chargé permet à des espèces plus petites que les pores de la membrane, mais possédant une charge opposée, d'être retenues par répulsion électrostatique. Dans le cas de la nanofiltration, action mécanique et interactions électrostatiques se complètent d'effets diélectriques propres à cette échelle, où les propriétés mêmes de l'eau à traiter sont modifiées. La nanofiltration, avec des membranes dont le diamètre des pores est compris entre 0,5 et 2 nm, est la plus récente des techniques membranaires et concerne le traitement des colorants, des eaux de blanchiment des pâtes à papier, l'élimination des pesticides et l'adoucissement de l'eau… Elle assure même la production d'eau potable comme à la station de Méry-sur-Oise, capable de fournir à 800000 habitants, chaque jour, 158000 m3 d'eau propre à la consommation humaine, une expérience unique au monde.

 

« Les mécanismes de sélectivité et de rétention des solutés sont à cette dimension extrêmement complexes et nécessitent un travail important de modélisation », témoigne Patrick Fievet, responsable de l'équipe Nanoparticules, contaminants et membranes de l'Institut UTINAM à l'université de Franche-Comté.

 

 

 

Membranes tubulaires et fibres creuses

 

Membranes tubulaires et fibres creuses

  Retour sommaire

 

 

 

Le sable, extraordinaire filtre à bactéries

L'assainissement, dans un pays industrialisé comme la France, concerne le traitement de gros volumes affichant des teneurs non négligeables en métaux lourds tout autant qu'en pesticides ou en rejets médicamenteux, par des installations très mécanisées et sur des surfaces limitées.

 

Dans les pays en voie de développement, la situation est tout autre et autorise des approches différentes. Ainsi, des recherches menées sous la houlette d'Éric Cavalli, enseignant-chercheur en chimie physique et analytique, directeur du Service d'analyse et de caractérisation (SERAC) de l'université de Franche- Comté, font la preuve de l'efficacité d'un système d'épuration des plus simples. « Dans un pays comme Djibouti, on trouve très peu de métaux lourds et de polluants. Les matières organiques, très concentrées, sont faciles à traiter et à valoriser. » Un filtre à sable, muni d'un système d'oxygénation passif, est suffisant pour traiter les eaux usées. Et si la topographie des lieux le permet, la gravité peut même remplacer les pompes. « Chaque grain de sable se recouvre rapidement d'un biofilm au contact des matières à dégrader. Ceci se fait spontanément et rend le filtre parfaitement adapté aux eaux à traiter », explique le chercheur. Certes, des problèmes techniques sont à prendre en considération comme le fait de rendre étanches des bacs de traitement sur des centaines de mètres carrés, mais le faible coût du procédé et son efficacité sont encourageants. Une épaisseur de 1 m de sable traite 99,99 % de la matière organique. Les centaines de millions de bactéries pathogènes présentes dans 1 litre d'eau usée sont réduites à quelques milliers à peine, autorisant l'utilisation de l'eau traitée pour les cultures maraîchères.

 

Développement des cultures à Djibouti, arrosage des golfs à Agadir ou plantation d'arbres sur les sols pollués de Dakar… les recherches montrent que des solutions adaptées, concrètes et peu onéreuses sont possibles.

 

Retour sommaire

 

 

 

Industrie et agriculture : devenir alliées de l'environnement 

Pour répondre aux obligations légales, les effluents de certaines industries sont traités in situ, comme c'est le cas de la filière Traitement de surface. Associant des industriels, des collectivités et des chercheurs, le projet Metaldex, piloté par le laboratoire Chrono-environnement de l'université de Franche-Comté, se termine. Son objectif ? Trouver des solutions alternatives aux techniques en vigueur, tout aussi fiables mais moins coûteuses, pour permettre aux nombreuses PME / PMI du domaine de décontaminer leurs effluents de façon efficace et économiquement acceptable.

 

Les recherches des scientifiques s'orientent vers le piégeage et le transport des molécules toxiques par des substances naturelles. L'oxydation catalytique des substances métalliques est suivie de leur adsorption sur des sous-produits agroalimentaires, tels que l'amidon de la farine de blé ou le chitosane des crustacés. « La diminution par deux ou trois du flux en cuivre, nickel, zinc ou autres fluorures mesuré dans le Doubs, l'Ognon, le Salon ou le ruisseau des Charmes, prouve l'efficacité de la méthode », souligne Grégorio Crini, responsable du projet. Mieux ! Une expérience menée en laboratoire fait la preuve de la qualité de l'eau obtenue sur le développement de graines de laitues : la croissance des jeunes pousses arrosées par cette eau décontaminée est comparable à celle des plants témoins.

 

 

 

Traitement de rejets industriels

 

Rejets industriels avant et après traitement par des substances naturelles

 

 

 

Pousse de graines de laitues avant et après traitement de rejets industriels 

   

Impact des rejets industriels avant et après traitement sur la croissance de graines de laitues

 


 

Après un dépôt de brevet en 2005, ce processus fait l'objet de recherches constantes et essentielles alors que l'opération de recherche de substances dangereuses dans l'eau impose d'ici 2015 l'élimination de cinquante produits comme le cadmium, le mercure ou le trichloréthylène.

 

Dans le domaine agricole, la pollution diffuse, incriminant les pesticides et autres nitrates dispensés par les engrais, est moins facile à circonscrire. Certaines régions de culture intensive comme la Bretagne sont certes pointées du doigt. Mais sauf accident, la responsabilité individuelle d'une exploitation en matière de pollution n'est jamais établie. Une sensibilisation du monde agricole est à l'oeuvre et la réforme de la PAC de 2003, incitant l'agriculture à mieux s'harmoniser avec l'environnement, devrait être appuyée par une nouvelle révision dans les deux ans à venir. Jihad El Naboulsi, économiste au Centre de recherches juridiques de l'université de Franche-Comté, travaille à mettre au point les instruments économiques nécessaires pour inciter à davantage de responsabilisation, quel que soit le consommateur ou le domaine concerné. « Au-delà de la mise en place de sanctions dissuasives, structurer les prix de l'eau et de l'assainissement en fonction des besoins inciterait à une consommation et une utilisation cohérentes et responsables. »

 

La notion de bénéficiaire-payeur, alternative positive et préventive à celle de pollueur-payeur, commence ainsi à faire son chemin en Europe. L'idée émane également des conclusions du projet Alpeau. « Il serait juste de prendre en considération les contraintes subies par les propriétaires et le travail réalisé par les forestiers pour garantir la qualité de l'eau souterraine », explique Jean-Michel Gobat. C'est un service profitant à la société entière, qui mérite compensation. »

 

Expériences et recherches devront tendre vers la mise en place d'une véritable politique tarifaire, pour l'eau comme pour l'assainissement, et s'inscrire dans une dimension juridique et économique axée sur l'avenir, celle du legs, qui, à peine émergente, propose de prendre en compte les générations futures et l'évolution de la planète.

Retour sommaire

 

 

 

Dommages et intérêts pour dégâts du Doubs

Imaginez… le Doubs quarante ans en arrière, la rivière restaurée avec l'abondance de poissons de l'époque… Pour certains l'exercice ne nécessite aucun effort, et fait juste appel à de bons souvenirs. Tous sont touchés par la dégradation de la rivière. Eux, ce sont les pêcheurs du cru, que Sandra Gogniat décide d'interroger à ce sujet pour en faire le thème de son mémoire de master à l'Institut de recherches économiques de l'université de Neuchâtel. Et de chiffrer, méthode d'évaluation scientifique à l'appui, la perte de bien-être des pêcheurs du Doubs en quatre décennies.

 

Si la notion de bien-être commence à faire son chemin en économie, comme en témoigne par exemple la publication du better life index de l'OCDE, l'expérience menée par Sandra Gogniat est pour le moins originale. À partir d'une situation imaginaire, mais crédible, puisqu'elle a réellement existé, la jeune économiste fait valoir la différence de comportement des pêcheurs entre ce contexte désormais virtuel et la conjoncture actuelle. Taux de fréquentation de la rivière, temps consacré à la pêche de loisir, coût du transport, du permis de pêche… Tous ces paramètres sont quantifiés et évalués financièrement grâce à la méthode dite des coûts du trajet hypothétique, pour estimer la valeur de la rivière des années 1970 et celle d'aujourd'hui.

 

Résultat : la perte de valeur du Doubs est jugée à 48 millions de francs suisses par an. « Cela signifie que la dégradation de la rivière impose à la société un coût économique très important. »Pour les 30 400 pêcheurs suisses et  français  concernés, la  perte  de satisfaction  équivaudrait  pour  chacun  à  un  dédommagement  de  l'ordre  de 1500 francs suisses par an ! Sans afficher cette revendication financière, les pêcheurs à l'origine de manifestations en faveur de la défense du Doubs trouvent dans la recherche de Sandra Gogniat des arguments pour étayer leur point de vue et avoir plus de poids dans les négociations avec les autorités.

 

 

Enfant pêchant dans la rivière

 

  Retour sommaire

 

 

 

 

Le juste prix de l'eau

Dans le cadre du projet Alpeau, le Syndicat intercommunal des eaux de Moises, en Haute-Savoie, a établi une estimation du coût de l'eau destinée à la consommation humaine pour son territoire. Sans conteste possible, l'eau provenant de sources forestières, ne nécessitant pas de traitement, s'avère être la moins chère, et de loin… Ainsi, les prix au m3 ont été estimés en mars 2012 à :

– 1 centime d'euro pour l'eau de source forestière

– 4 centimes d'euro pour l'eau de nappe

– 20 centimes d'euro pour l'eau du lac, qui passera prochainement, dans la région, à 46 centimes d'euro à la suite de la construction d'une nouvelle station de pompage et de filtration.

Retour sommaire

 

 

 

 

Pour en savoir plus…

 

E. Gilli, C. Mangan, J. Mudry, Hydrogéologie – Objets, méthodes, applications, 3e édition, Dunod, 2012


G. Crini, P.-M. Badot, Traitement et épuration des eaux industrielles polluées, Presses universitaires de Franche-Comté, 2007


Protection des eaux souterraines en forêt – Guide Alpeau dans les arcs alpin et jurassien, 2012, disponible en Suisse à l'université de Neuchâtel, secrétariat.biologie@unine.ch ; en France à l'ONF, jean-luc.mabboux@onf.fr ; téléchargeable sur http://www.alpeau.org

 

 


  

 

 

Contacts :

Université de Franche-Comté

 

Laboratoire Chrono-environnement

Jacques Mudry – Tél. (0033/0) 3 81 66 64 32

Grégorio Crini – Tél. (0033/0) 3 81 66 57 01 

Badr Alaoui-Sossé – Tél. (0033/0) 3 81 66 57 30 

 

SERAC

Éric Cavalli – Tél. (0033/0) 3 81 66 60 85

 

Institut UTINAM – Nanoparticules, contaminants et membranes

Patrick Fievet – Tél. (0033/0) 3 81 66 20 32 

 

CRESE — Centre de recherche sur les stratégies économiques

Jihad El Naboulsi – Tél. (0033/0) 3 81 66 67 51

 

CRJ – Centre de recherches juridiques

Benoît Grimonprez 

 

 

Université de Neuchâtel

 

Centre d'hydrologie et de géothermie

François Zwahlen – Tél. (0041/0) 32 718 26 89 

 

Laboratoire Sol et végétation

Jean-Michel Gobat – Tél. (0041/0) 32 718 23 37

 

Laboratoire de biologie du sol

Lassaâd Belbahri – Tél. (0041/0) 32 718 22 43

 

Institut de recherches économiques

Sandra Gogniat – Tél. (0041/0) 32 718 14 58

 

 

Retour en haut de page

 

 

retour