Notre économie est imprégnée de pétrole, ce combustible fossile. Pourtant, chacun sait que sa combustion pollue, que ses réserves ne sont pas inépuisables. Ces deux éléments et leurs corollaires en termes de difficultés géopolitiques, d'évolution du climat… font que le besoin d'énergie de substitution propre et de réserves pérennes s'impose comme un objectif de société. Si de nombreux travaux de recherche et de développement ont déjà été effectués, le début du XXIe siècle voit les choses s'accélérer. Dans le concert des solutions, l'hydrogène a une place de choix pour les applications dans le domaine du transport, mais aussi pour la production d'électricité délocalisée.
• L'hydrogène n'est pas une énergie primaire mais un vecteur d'énergie, un combustible qui dispose, par le biais de réactions chimiques, de la possibilité de libérer de l'énergie. La réaction principale est obtenue par combustion avec l'oxygène pour donner de l'eau et de la chaleur. Or, le pouvoir calorifique de l'hydrogène est globalement trois fois supérieur à celui des combustibles fossiles classiques. De plus, il ne produit que de l'eau, et pas le trop fameux CO2, un des principaux accusés dans l'effet de serre.
Fig. 1 : Pouvoirs calorifiques en MJ/kg
Malheureusement, les choses ne sont pas si simples dans la pratique. La conversion du combustible hydrogène par combustion demande encore à être optimisée. L'utilisation d'une pile à combustible est plus intéressante en ce qui concerne le rendement, mais cette technologie doit encore progresser. De ce point de vue, la recherche franc-comtoise, en association avec d'autres grands organismes de recherche, est en pleine réflexion pour une extension de la plateforme pile à combustible implantée à Belfort. Autre souci, si l'hydrogène est partout (dans l'eau, le pétrole, le méthane…), il ne l'est jamais sous forme de gaz diatomique, qui constitue sa forme intéressante. Là encore de nombreuses voies de production sont explorées (reformage, électrolyse, processus biologique…).
• À ces questions s'en ajoute une primordiale : si l'on compare le pouvoir calorifique rapporté cette fois à un litre de carburant, l'hydrogène liquide apparaît beaucoup moins bien classé ! De plus, ce n'est pas un fluide simple. Partant de gaz à la pression ambiante, il faut le refroidir jusqu'à environ – 253 °C, ce qui consomme une énergie très importante (l'enthousiasme initial peut s'en trouver lui aussi refroidi). Tels sont les difficultés et l'intérêt du défi du stockage de l'hydrogène.
Fig. 2 : Pouvoirs calorifiques en MJ/litre
• Plusieurs voies sont explorées pour stocker l'hydrogène de façon réversible. La forme liquide est, certes difficilement mais régulièrement, employée dans le domaine spatial. Le stockage du gaz sous une pression de 200 bars est traditionnel. Celui sous très haute pression (700 bars minimum), pour laquelle le volume embarqué par rapport à la masse du réservoir correspond à un bon compromis, constitue l'objectif actuel. Néanmoins, ces hautes pressions sont un défi en termes de conception, d'élaboration et de fiabilité des réservoirs. Ceux-ci sont schématiquement constitués d'un liner métallique, ou polymère, qui sert de barrière à la perméation de l'hydrogène et d'une enveloppe en matériaux composites qui supporte les forces de pression. À ces deux constituants fondamentaux il faut ajouter un large éventail d'accastillage : vanne, protection au choc…
À 700 bars, les constituants sont sollicités dans des gammes de contraintes très élevées demandant une analyse du dimensionnement particulièrement performante pour prédire le comportement des matériaux. Le département de Mécanique appliquée R. Chaléat (LMARC) de l'Institut FEMTO-ST est impliqué dans STORHY*, projet qui vise essentiellement au développement de ces réservoirs, en ayant à charge la conception d'un nouveau mode de mise en forme de liner métallique par hydroformage de préforme tubulaire.
• Le stockage solide constitue également une piste pleine d'espoir. Des matériaux intermétalliques absorbent de façon réversible l'hydrogène pour former des hydrures et peuvent le relâcher par la suite, sous certaines conditions thermiques et de pression. Une variante consiste à utiliser des matériaux nanostructurés comme les nanotubes de carbone. C'est alors en surface, par physisorption, que se fait le stockage. Principalement centré sur cette voie et toujours dans le cadre des projets européens, le LMARC a coordonné le montage du réseau d'excellence − pas encore validé − HYBEST avec 20 partenaires universitaires européens de 9 pays différents. Issu de ce réseau, le Research Training Network HYTRAIN** vient quant à lui d'être retenu. Le laboratoire y est chargé du dimensionnement des réservoirs et du développement de réservoirs hybrides (utilisant simultanément un stockage solide et sous pression).
• Des efforts importants sont réalisés dans le monde pour lever le verrou du stockage de l'hydrogène. Dans cet ensemble, le LMARC conduit de nombreux programmes complémentaires, ce qui lui permet d'analyser plusieurs voies. Ainsi, parallèlement aux deux projets européens, il est impliqué dans deux actions concertées incitatives***. Dans l'une d'entre elles, les chercheurs travaillent à la réalisation d'un réservoir hybride et à la modélisation thermomécanique des intermétalliques. Des collaborations bilatérales directes avec des organismes ou des sociétés sont également réalisées. Ainsi, une thèse CIFRE sur l'optimisation des matériaux composites de renforts des réservoirs sous pression, qui profite des compétences acquises dans le passé sur l'enroulement filamentaire, va débuter cette année. De même, l'ADEME et le Conseil régional de Franche-Comté financeront une bourse sur les problèmes de mise en forme de liner. Le Conseil régional soutient également un projet important pour le développement de méthodologie expérimentale. Gageons que par le biais de ces nombreuses collaborations, l'utilisation de l'hydrogène comme vecteur d'énergie se verra accrue.
Dominique Perreux
Institut FEMTO-ST département LMARC
Université de Franche-Comté / ENSMM / UTBM
Tél. 03 81 66 60 12
dominique.perreux@univ-fcomte.fr