Université de Franche-Comté

Le paysage vu sous toutes les coutures

Près de cinquante ans d’analyses du paysage, des méthodes et des outils développés en propre… « l’école bisontine du paysage » se trouve au laboratoire ThéMA. Illustrations locales.

 

 

Débat toujours houleux que celui qui tourne autour de l’implantation d’éoliennes. Belles ou pas, au laboratoire ThéMA la question n’est pas de se prononcer sur le sujet, mais de montrer comment les éoliennes à installer vont entrer dans le champ de vision des habitants d’une région ou des touristes de passage. Grâce à des indicateurs paysagers, les chercheurs de l’équipe Paysage et cadre de vie fournissent les éléments nécessaires à la prise de décision des élus et des entrepreneurs. « Les données sont modélisées suivant deux axes, explique Daniel Joly, responsable de l’équipe. Ce que nous voyons alentour depuis tout lieu situé à la surface du globe : les arbres devant soi, entre les branches une maison à l’arrière-plan, au loin les vestiges d’une tour… L’inventaire détaille chaque parcelle visible en totalité ou de façon plus camouflée. L’autre approche consiste à évaluer d’où les vestiges sont vus ou si les gens me voient lorsque je suis assis devant ma maison, et complète la première pour donner de l’environnement… une vue d’ensemble. »

 

 

Mise en évidence de l'espace vu sur une carte IGN 1/25000

 

Mise en évidence de l'espace vu sur une carte IGN 1/25 000

 

 

Le paysage visible fait partie des préoccupations du laboratoire dès ses débuts dans les années 1960, à une époque où le sujet n’est pas encore dans l’air du temps. Passant de l’analyse de relevés effectués sur le terrain à la modélisation sur ses propres logiciels, le laboratoire acquiert au fil du temps une reconnaissance certaine dans l’Hexagone, au point de se voir attribuer le statut d’« école bisontine du paysage ».

 

Les outils et les compétences sont parfaitement au point, ils aident à trouver le meilleur tracé pour soustraire le plus possible à la vue une rangée de pylônes électriques ou fournir des cartes d’impact paysager de la construction d’une autoroute. Charge ensuite aux décideurs de concrétiser ou non leur projet.

 

 

Vue sur les arbres = 200 € l’are

Rapprocher le paysage de considérations économiques est une démarche originale qui donne lieu à son évaluation dans le prix d’un bien immobilier. Menée en collaboration avec le laboratoire CESAER de l’INRA-AGROSUP Dijon depuis le début des années 2000, elle montre qu’à la périphérie de villes comme Dijon ou Besançon, l’impact du paysage représente 2 à 3 % du prix d’une maison.

 

Réalisé avec la complicité des études de notaires et des mairies, le travail porte sur plus de 30 000 transactions immobilières, terrains à bâtir, appartements et maisons. Une fois estimés les paramètres prioritaires comme la distance à la ville, la proximité des services, le confort…, il subsiste un résidu de valeur du bien, qui s’explique en partie par des considérations paysagères : on dit qu’il y a capitalisation du « paysage » dans les prix immobiliers. Comportant de nombreux critères, analysés selon un maillage serré tous les 7 m, l’étude montre que c’est la proximité de la végétation qui apporte en premier lieu une plus-value immobilière, les arbres arrivant en tête de classement. « La plupart des résultats significatifs concernent les soixante-dix premiers mètres autour des habitations. » Depuis une maison, et dans ce périmètre, on voit en moyenne 3,5 ares de feuillus, dont la valeur est estimée à environ 200 € l’are dans le prix du bien. Les cultures sont également bien vues, sous réserve qu’elles s’inscrivent dans un espace suffisamment éloigné pour ne pas imposer les désagréments liés à l’exploitation agricole, et de toute façon la promesse de pouvoir porter loin son regard importe peu : une vue panoramique n’a pas d’impact sur la valeur du bien. Curieusement, le spectacle de l’eau apparaît plutôt défavorable, sans doute en raison de la crainte liée aux inondations, quand celui d’une route est sans surprise mal ressenti.

 

Une  grande  précision est  apportée  à  la mesure des  indicateurs paysagers, ce  qui rend possible le calcul du prix des
« paysages ordinaires » à grande échelle, et débouche sur une certaine « sociologie du paysage ».

 

 

Contact : Daniel Joly

Laboratoire ThéMA

Université de Franche-Comté / Université de Bourgogne / CNRS

Tél. (0033/0) 3 81 66 54 02

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