Université de Franche-Comté

L’aluminium, précieux métal

Matériau d’abord coûteux, puis rendu commun au fil des innovations technologiques, l’aluminium a servi la révolution industrielle et la société de consommation après avoir investi le monde du luxe. Les chercheurs de la Haute école Arc Conservation – restauration s’intéressent à un aspect encore peu étudié de sa personnalité : sa résistance à la corrosion. Une recherche innovante autour d’un matériau peut-être pas si ordinaire…

Aluminium fondu en lingot, aussi coûteux que l’or, érigé en statues ou ciselé en bijoux, puis, devenu  bon marché, domestiqué en boîtes de conserves ou en batteries de cuisine, l’aluminium a vécu plusieurs vies depuis sa naissance en 1854. Son épopée intéressera au plus haut point l’histoire des techniques, sur laquelle une recherche menée à la Haute Ecole Arc devrait lever une partie du voile. Car « l’alu », pour être l’un des matériaux les plus utilisés par l’industrie, entrant peu à peu dans les collections patrimoniales, n’en est pas moins méconnu des spécialistes de la conservation et de la restauration.
L’électrochimiste Christian Degrigny en est, lui, devenu un expert depuis la publication de sa thèse sur la corrosion des vestiges aéronautiques en aluminium retrouvés dans les milieux subaquatiques. Vingt-cinq ans après, alors que bien peu de connaissances se sont accumulées entre temps, il souhaite découvrir de nouveaux aspects du matériau grâce au projet EtICAL1. Une étude qui vient de démarrer à la Haute Ecole Arc sur l’altération d’objets représentatifs de l’utilisation de l’aluminium depuis sa création et qui, stockés dans des musées, n’ont bénéficié d’aucune intervention.

Matériau multiforme

Cinquante, cent ans après leur fabrication, dans quel état de conservation se trouvent ces objets ? « L’étude prévoit de dresser un inventaire de tous les faciès d’altération rencontrés sur les pièces de la collection du Musée national suisse, datée du milieu du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui », annonce Christian Degrigny. Leur caractérisation sera nécessaire, car de très nombreux alliages d’aluminium, aujourd’hui abandonnés, ont été élaborés en fonction des développements de l’industrie et de la maîtrise des techniques. Très facilement recyclable, l’aluminium a de plus souvent fait l’objet de réemplois, le soumettant à des environnements différents, conduisant à des altérations inattendues.
En 1854, Henri Sainte-Claire Deville découvre le procédé chimique qui permet d’isoler l’élément aluminium. Il est encouragé par Napoléon III qui finance les essais industriels du chimiste sur ses propres deniers. L’exposition universelle de 1855 à Paris voit ainsi trôner un lingot d’aluminium aux côtés des joyaux de la Couronne. C’est que le procédé mis au point par Deville, pour être efficace, n’en est pas moins très coûteux, ce qui place l’aluminium au même prix que l’or… Matériau de luxe, l’aluminium entre alors dans la composition des bijoux, tabatières et autres objets de prestige.

Jumelles de théâtre Lemaire tout aluminium (1870-1885) - Copyright Collection Jean Plateau - IHA

Jumelles de théâtre Lemaire tout aluminium (1870-1885)
© Collection Jean Plateau – Institut pour l’histoire de l’aluminium

En 1886, le Français Paul Héroult et l’Américain Edwin Hall se disputent à quelques mois d’intervalle la paternité de la fabrication de l’aluminium par électrolyse. Le nouveau procédé garantit un aluminium à bas prix, ce qui bouleverse ses usages. La révolution industrielle lui offre de nouvelles applications. Après la première guerre mondiale, l’aluminium devient le matériau phare de l’aéronautique, puis met ses propriétés au service de l’emballage, du bâtiment… « Pour savoir à quel aluminium nous avons affaire, il faut retrouver les traces des éléments présents dans sa composition : l’aluminium chimique n’était pas aussi pur que l’aluminium électrolytique. » Les teneurs en cuivre, argent, fer, silicium et autres éléments renseigneront sur la composition des alliages, et par là-même sur la maîtrise des procédés et l’histoire des techniques.

1 EtICAL : Étude, identification et classification des altérations des objets en aluminium patrimoniaux.

Contact : Christian Degrigny

Haute école Arc Conservation – restauration

Tél. +41 (0)32 930 19 19

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