Université de Franche-Comté

La psychiatrie au-delà des préjugés

Neurones © Colin Behrens sur Pixabay

© Colin Behrens sur Pixabay

Souhaitant mieux faire reconnaître ses activités, ses moyens d’action et ses progrès, la psychiatrie était l’objet d’un colloque national, qui, en avril 2018, a réuni à Besançon cent cinquante participants autour du thème « La psychiatrie : une discipline médicale comme les autres ».

Le temps paraît bien loin des asiles d’aliénés, des traitements par électrochocs et de la lobotomie. Pourtant la psychiatrie a encore du mal à se débarrasser du carcan qui depuis des décennies, en France, la tient à l’écart : patients considérés avec suspicion voire peur dans une société peu bienveillante avec la différence et la vulnérabilité, maladies mentales associées à la violence, image réductrice d’une discipline qui ne traiterait que de pathologies lourdes. « Pourtant plus d’une personne sur quatre est susceptible de souffrir à un moment de sa vie de troubles dépressifs, de troubles psychotiques ou de conduites addictives », estime Daniel Sechter, professeur de psychiatrie à l’université de Franche-Comté et praticien au CHU de Besançon, instigateur du colloque.

Tout le monde est concerné, pour lui-même ou pour son entourage, par les troubles de l’apprentissage, du sommeil ou de l’attention, par les phobies, l’anxiété, les addictions… Aujourd’hui, malgré les avancées, on peut encore éprouver de la gêne à consulter, et il reste toujours difficile de reconnaître et d’admettre certaines pathologies comme la dépression chez l’enfant ou la personne âgée. « La souffrance psychique est encore réellement sous-estimée », témoigne Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, et présidente du CNUP, le Collège national des universitaires de psychiatrie.

 

La psychiatrie à l’avant-garde

Cependant la psychiatrie a réalisé d’énormes progrès ces dernières décennies. Objet d’une politique de secteur depuis le début des années 1960, elle s’efforce de répondre à des objectifs de proximité par le biais d’équipes médicosociales, et assure un suivi global des patients : prise en charge médicale, diagnostic évolutif, réinsertion sociale éventuelle. Cette stratégie « hors les murs » fait de la psychiatrie une discipline pionnière du traitement ambulatoire, qui concerne aujourd’hui 80 % de son activité. La volonté de sortir les patients de leur enfermement, au propre comme au figuré, se traduit par des méthodes et initiatives inédites. Longtemps privés d’expression, les patients de la psychiatrie ont été les premiers dont la parole a été considérée, au point de faire partie intégrante du protocole de soins. La sphère médicale du patient s’élargit. Marie-Rose Moro note par exemple les progrès immenses dans le traitement des troubles du comportement alimentaire, notamment l’anorexie. « Les thérapies familiales font leurs preuves et sont aujourd’hui à l’origine de guérisons complètes. »

Les avancées des neurosciences, de l’imagerie médicale et de la biologie aident au diagnostic comme au traitement. Les initiatives citoyennes, comme celles prises par les Invités au festin à Besançon, pour aider à la réhabilitation de personnes souffrant de troubles psychiques, grâce à des lieux de vie et d’accueil partagés, font l’objet d’expériences réussies. Les associations de soutien jouent un rôle essentiel pour aider à l’intégration des patients dans la cité. Vice-présidente de l’UNAFAM, l’Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques, Marie-Jeanne Richard rappelle que « le soutien et la formation apportés aux familles sont aussi des moyens pour lutter contre la stigmatisation, qui reste un problème majeur ».

La psychiatrie aborde aujourd’hui un virage, dont de nombreux spécialistes souhaitent qu’il l’emmène vers plus de liens encore avec la médecine, le médicosocial et le social. « L’évolution du modèle actuel de sectorisation de la psychiatrie est un cap essentiel », souligne Christian Müller, président de la Conférence des présidents des commissions médicales d’établissements de CHS (Centres hospitaliers spécialisés). La volonté est de dépasser les limites de la psychiatrie comme discipline pour tendre vers le concept de santé mentale, définie par le bien-être psychique, émotionnel et cognitif, au-delà de l’absence de trouble mental.

 

 

Article paru dans le n°277 (juillet-août 2018) du journal en direct.

Contact(s) :
Daniel Sechter
Université de Franche-Comté / CHU de Besançon
Tél. +33 (0)3 81 21 81 51
retour