Université de Franche-Comté

La 4e révolution industrielle est en marche

Industrie 4.0 pour l’Allemagne, industrie du futur pour la France, micro-industrie pour le Japon… si le vocabulaire témoigne de conceptions et de préoccupations un peu différentes selon les pays, la prise de conscience et les volontés des puissances industrielles s’orientent toutes vers le même concept, celui d’une 4e révolution industrielle qui s’annonce comme une rupture majeure dans la manière de concevoir et de produire.

  

 

SOMMAIRE

Interconnectés et communicants, les moyens de production travaillent en équipe

Le numérique, un virage à ne pas rater

Les machines font leur propre diagnostic

La micro-usine, pour des machines à bonne dimension

Une seule impulsion laser pour un micro-usinage parfait

Sandwich électronique et or noir

La fabrication additive en rajoute une couche

Quelle place pour les robots ?

 

 

L’invention de la machine à vapeur fut à l’origine de la première dans les années 1780 ; celle de l’électricité puis de la production de masse situe la deuxième au milieu du XIXe siècle ; la troisième, dans les années 1970, est essentiellement due à l’essor de l’électronique et de la production automatisée ; la quatrième préfigure l’industrie du futur, intelligente et connectée, nous en vivons les prémices. Nées du progrès technique, les révolutions industrielles se font aussi dans un contexte d’évolution sociale. La quatrième s’inscrira dans de nouvelles logiques d’organisation du travail autour de la personnalisation de la production, sur fond de transition énergétique et de protection environnementale. Avant toute chose, elle a l’innovation technologique pour moteur…

Interconnectés et communicants, les moyens de production travaillent en équipe

Les technologies du futur à vrai dire sont déjà là. L’innovation résidera surtout dans la capacité à les faire travailler ensemble, et à assurer une bonne gestion et une sécurité optimale de l’énorme volume de données que leur mise en réseau engendrera. Communication et interconnexion sont donc les maîtres mots de l’usine intelligente, celle de la 4e révolution industrielle. Pour transformer une usine classique en usine intelligente, on peut commencer par connecter entre elles des machines du parc existant, grâce à la mise au point d’un langage intelligible par toutes. Les informations qu’elles fourniront donneront matière à la prise de décision, dans l’organisation de la production par exemple. Ce processus fait partie de la notion d’internet des objets, qui définit l’architecture dans laquelle vont s’intégrer les éléments communicants et connectés.

Autant de problématiques auxquelles s’intéressent Nabil Ouerhani et son équipe d’informaticiens à la Haute Ecole Arc Ingénierie, qui dans un deuxième temps étudient aussi la question du stockage des données dans des clouds, de préférence privés, et du cryptage qui leur permettra de circuler sans être interceptées. « Interconnecter les équipements d’une usine signifie à terme une meilleure gestion et une plus grande flexibilité des moyens de production. Il ne s’agit pas de tout changer, mais de connecter entre eux et progressivement les moyens existants. »

Dans un parc industriel, les machines sont originaires de partout dans le monde. Nabil Ouerhani travaille à la mise au point de connecteurs à intégrer à chacune d’elles : leur langage pourra ainsi être décrypté puis retranscrit par un logiciel sous forme d’un standard unique, compréhensible par toutes. La prise de décision devient possible, elle prend alors le chemin inverse, logiciel, connecteurs et machines, qui reçoivent les directives à appliquer dans leur langage propre. Les informaticiens de la Haute Ecole Arc ont déjà codéveloppé avec les équipes de la société STEMYS une plateforme de gestion d’objets, qui permet de connecter en temps réel tout type d’équipement, capteur ou machine. La plateforme Stemys.io est à découvrir sur le site www.stemys.io qui lui est dédié.

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Le numérique, un virage à ne pas rater


Le passage au numérique, certaines entreprises s’en approchent, d’autres en sont encore à mille lieues. Pour toutes, il est indispensable pour augmenter leur compétitivité et rester dans la course. « Cela prendra plus ou moins de temps selon les entreprises, les petites se montreront sans doute plus réactives que les grands groupes, sujets à une certaine inertie du fait de leur taille » prédit Olivier Lamotte, ingénieur de recherche au sein de l’équipe ICAP de l’UTBM.
La réalité virtuelle a un rôle important à jouer dans une nouvelle configuration se structurant autour d’un triptyque conception, production et organisation du travail. Elle fera franchir un nouveau cap à la conception, en donnant aux entreprises la possibilité d’exploiter différemment leurs modèles CAO, d’en faire des représentations 3D sur lesquelles il deviendra possible d’agir, de créer des simulations. « La conception assistée par réalité virtuelle (CARV) est déjà opérationnelle dans certaines entreprises », témoigne l’ingénieur.

Ces modèles deviendront les bases d’un travail collaboratif qui pourra s’effectuer à distance, là aussi grâce à la réalité virtuelle. De nouvelles solutions informatiques permettront d’organiser des réunions interactives auxquelles un nombre presque illimité de personnes pourront prendre part depuis leur ordinateur, par l’intermédiaire de casques de réalité virtuelle les immergeant dans la réunion aussi sûrement que s’ils s’y trouvaient physiquement.

Les étapes de test et de contrôle inhérentes à la conception de certaines productions vont également connaître des évolutions. Dans un projet du laboratoire, Olivier Lamotte et ses collègues de l’équipe ICAP jonglent avec les moyens numériques pour visualiser de manière plus intuitive des systèmes complexes composés eux-mêmes de nombreux sous-systèmes. Les périphériques de réalité virtuelle permettent d’observer plus facilement leur structure et d’établir un diagnostic de premier niveau en cas de dysfonctionnement. « La réalité virtuelle, c’est comme passer une radio ; elle donne la possibilité de visualiser tous les composants sans avoir à les démonter ! »

À cette prouesse s’ajoute celle offerte par la réalité augmentée, qui sait ajouter en contexte des éléments virtuels à un objet. Grâce à des lunettes semi-transparentes ou l’écran d’une tablette, un opérateur pourra faire venir des éléments de CAO en surimpression du composant qu’il a sous les yeux pour vérifier sa conformité. Une faculté étonnante qui laisse envisager le dépannage à distance en envoyant par le même chemin des images à un centre de maintenance qui prendra la main et indiquera les ajustements à opérer.

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Les machines font leur propre diagnostic

D’autres technologies vont également revisiter le concept d’assistance. La maintenance prédictive, sur laquelle Noureddine Zerhouni et Kamal Medjaher, de l’équipe PHM (Pronostics & Health Management) travaillent à FEMTO-ST depuis dix ans, consiste à donner les moyens à une machine de détecter par elle-même la survenue d’un problème ou les marques d’usure qui risquent de mettre en péril son fonctionnement. Concrètement, la machine, où qu’elle se trouve dans le monde, envoie en continu et en temps réel des informations au centre de maintenance du constructeur.

Des ordinateurs se chargent alors d’extraire les données qui seront utiles pour évaluer l’état de santé de la machine, et de prendre à distance les mesures qui s’imposent pour éviter la panne. Anticiper est le maître mot d’un dispositif gagnant pour tout le monde : l’utilisateur de la machine, qui évite ainsi l’arrêt de production brutal et le dépannage en urgence, et le constructeur, à qui la collecte de données permet d’améliorer les performances et la disponibilité de ses machines. « Nous développons les algorithmes capables de réaliser ce travail de communication dans des solutions adaptées aux contraintes des industriels », explique Kamal Medjaher, qui confirme que cette innovation technologique est en cours de transfert vers l’industrie.

Le projet MainPreSI, financièrement soutenu par le programme Interreg IV et qui s’est terminé courant 2015, constitue une fructueuse expérience de terrain entre l’Institut FEMTO-ST et le fabricant suisse de machines-outils TORNOS, et trouve aujourd’hui ses prolongements dans une nouvelle collaboration entre les deux structures. « La maintenance prédictive est une plus-value à la technologie, elle donnera aux fabricants qui la développeront une longueur d’avance par rapport à la concurrence », pronostique Kamal Medjaher. La solution mise au point à FEMTO-ST est déclinable à d’autres domaines que la machine sur site, elle concerne aussi le transport ferroviaire, l’aéronautique ou encore le médical, qui constituent à n’en pas douter de sérieuses applications de la maintenance prédictive pour le futur.

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La micro-usine, pour des machines à bonne dimension

À une époque où la maîtrise des dépenses énergétiques est une préoccupation permanente, la remarque formulée par Claude Jeannerat, responsable du groupe Conception des moyens de production à la Haute Ecole Arc Ingénierie, fait son effet. « Les moyens de production dont nous disposons aujourd’hui sont très performants mais aussi très gourmands en énergie, une énergie principalement utilisée pour les maintenir à température constante. On estime entre 1 et 5 % seulement le besoin réel du procédé d’usinage d’une machine pour produire une pièce ! » Ce constat dérangeant et un recul de vingt ans sur l’évolution des moyens de production ont amené ce spécialiste et son équipe à explorer le concept de micromachine.

À noter que le sens est ici différent de celui qui a cours au Japon, où il signifie la miniaturisation extrême de machines réalisant chacune une tâche particulière. Ici il s’agit de développer des machines multifonctionnelles, aux dimensions en rapport avec la production à réaliser. « La règle est de construire une machine au maximum cinq fois plus grande que la pièce qu’elle doit produire. » Un postulat fondé sur l’expérience et sur l’étude de la littérature scientifique qui fait autorité dans ce domaine. Et un concept mis à profit au terme d’un an et demi de recherche et de développement avec la création d’un premier prototype validant la démarche (cf. photos et encart ci-dessous).

la micromachine montre ses différents composants

La micromachine à nu – Crédit photo patriceschreyer.com

« L’usinage d’une pièce est aujourd’hui effectué sur une machine dix fois plus énergivore que par le passé », souligne Claude Jeannerat. Une situation que Philippe Liscia, son collègue enseignant-chercheur en robotique industrielle à la Haute Ecole Arc, explique par « l’ajout d’automatismes, de refroidisseurs, de modules divers à l’outil proprement dit, permettant d’adapter la production aux exigences actuelles. » Reste que là où 10 à 50 newtons de force sont nécessaires pour usiner des pièces de mouvements horlogers par exemple, la machine pèse une à trois tonne(s). La précision de l’outil sera constante si les conditions de température le sont aussi, nécessitant des climatiseurs qui vont refroidir l’intérieur de la machine, elle même produisant de la chaleur dans l’atelier, d’où un apport de froid supplémentaire nécessaire… Bref, une surenchère et un gaspillage d’énergie que n’arrange pas l’organisation de la production : la machine est maintenue à bonne température qu’elle soit engagée dans un cycle de travail ou pas. « Une autre idée sur laquelle nous travaillons serait de donner à la machine les moyens de détecter par elle-même quand elle a besoin d’un changement de température. »

L’autre avantage de la miniaturisation des moyens de production est le gain de place, un problème crucial en Suisse comme ailleurs, quand les machines deviennent impossibles à loger dans les locaux. Des équipements plus légers et plus petits favoriseraient des implantations de proximité, mises en réseau pour un pilotage de la production à distance, avec à la clé une possible réindustrialisation locale.

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La micromachine, une tête de machine à café ?

prototype de micromachine

Si elle affiche un design étudié de machine à café, la micromachine est en réalité une station d’usinage capable de produire tous les composants d’une montre. Ce prototype est la preuve qu’il est possible de miniaturiser un moyen de production sans perte de qualité ni de rendement. Combinant techniques d’usinage classiques et fabrication additive à partir de modèles CAO, les pièces constituant la partie mobile de la machine pèsent moins de 10 kg. La contrainte imposant une dimension au maximum cinq fois supérieure à celle des pièces produites est respectée. L’air ambiant suffit à refroidir cette station d’usinage poids plume, qui avec 30 kg au total, présente un intérêt énergétique évident. Cinq minutes suffisent à obtenir sa mise en température quand une heure et demie est nécessaire pour une machine d’une tonne.

Hormis des efforts de dimensionnement à accomplir cette fois pour l’armoire électrique qui apporte l’énergie au système, la micromachine semble disposer des meilleurs atouts pour convaincre. « Le prototype démontre qu’une petite masse peut soutenir l’effort de production aussi bien qu’une grande », remarque Claude Jeannerat. La micromachine est à découvrir sur le stand de la Haute Ecole Arc au SIAMS, le salon des moyens de production microtechniques, qui se tiendra du 19 au 22 avril à Moutier en Suisse.

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La révolution numérique n’est pas seule impliquée dans l’industrie du futur. D’autres ruptures se préparent, agissant sur des procédés de production proprement dits, toujours dans le sens d’une plus grande flexibilité. Le laser en est l’outil par excellence : ablation ou ajout de matière, aucune technique ne lui résiste. Dans le domaine de l’usinage, les lasers ultrabrefs possèdent l’incroyable faculté d’enlever de la matière à n’importe quel matériau, du carton au métal en passant par le diamant, sans changer d’outil. Le laser femtoseconde est l’un des plus puissants actuellement disponibles. Il est très utilisé dans l’industrie pour la découpe d’écrans d’ordinateurs ou la fabrication de buses d’injection pour les moteurs. Dans les laboratoires, il est la source de nombreuses recherches, comme celles que mènent François Courvoisier et son équipe à l’Institut FEMTO-ST dans le domaine du micro-usinage, qui permettront un jour d’améliorer encore les procédés industriels. Ces chercheurs sont les seuls au monde à réussir à contrôler le dépôt d’énergie de la lumière dans la matière aux échelles submicroniques.

Une seule impulsion laser pour un micro-usinage parfait

Cette maîtrise signifie la possibilité de percer dans du verre des trous de quelques centaines de nanomètres de diamètre sur une longueur mille fois plus grande, avec une seule impulsion laser. Mis côte à côte sur une lamelle de quelques micromètres d’épaisseur, de tels perçages donnent la possibilité de « cliver » le verre, c’est-à-dire de le casser d’une manière franche le long de cette « prédécoupe », quasiment sans altération de la matière. Ce procédé signé FEMTO-ST fait actuellement l’objet d’un dépôt de brevet.

Une autre recherche en cours, également très prometteuse, concerne le perçage de trous de diamètre un peu supérieur, de l’ordre de trois dizaines de micromètres – ce qui reste quand même inférieur à l’épaisseur d’un cheveu – pour des applications cette fois tournées en priorité vers les besoins de la microélectronique. L’objectif : percer du verre d’une épaisseur elle aussi micrométrique, sans casse et sans bavures. Cela grâce une seule impulsion laser – là où un millier environ sont aujourd’hui nécessaires – afin de multiplier la vitesse d’usinage de plusieurs ordres de grandeur et d’améliorer la qualité de la découpe. La maîtrise du dépôt de l’énergie dans la matière est là encore la clé…. « L’impulsion laser crée un plasma au cœur du matériau. C’est ce plasma qui, grâce à la pression et à la température qu’il génère, fait exploser la matière et assure son perçage ; mais c’est lui aussi qui très vite s’érige en une sorte de bouclier, empêchant la lumière de pénétrer davantage dans le matériau, explique François Courvoisier. Notre objectif est de contrôler davantage les interactions entre le laser et le plasma, afin de les rendre les plus efficaces possible ».

Une prestigieuse bourse européenne vient d’être accordée à François Courvoisier pour l’aider à remporter ce challenge, un financement Consolidator Grant de l’ERC (European Research Council) d’un montant de deux millions d’euros sur cinq ans.

Perçage d'un trou de 197.2 nm dans du niobate de lithium

Perçage d’un trou par laser femtoseconde dans du niobate de
lithium. Le diamètre est de 197,2 nm, la profondeur est
2 000 fois supérieure, un record mondial. Photo FEMTO-ST

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Sandwich électronique et or noir

Du côté des applications, le perçage de ces trous minuscules et parfaits en des temps records sera très utile à l’industrie électronique, notamment dans la mise au point de puces empilées dans un souci de gain de place. Entre deux couches de silicium recevant des circuits imprimés s’intercalera un isolant en verre. Le perçage de trous dans cette fine lame permettra une connexion filaire des deux parties en silicium.

D’autres applications sont déjà exploitées à FEMTO ENGINEERING, où l’on prend le relais de cette recherche arrivée à maturité pour en assurer le développement et le transfert vers l’industrie, comme l’explique son directeur Grégory Haye. « L’impulsion ultrabrève du laser femtoseconde exploite ici les propriétés physiques du faisceau de Bessel, qui se focalise très finement sur une grande longueur sans se déformer. Cette technologie permet de découper le verre d’un écran de téléphone en quelques secondes, au lieu d’une journée avec d’autres procédés laser. » Cela de manière parfaite, car le laser fait littéralement fondre la matière et la transforme de façon instantanée en gaz.

Un nouvel équipement laser femtoseconde est attendu à FEMTO ENGINEERING dans les prochaines semaines pour assurer la découpe ultrarapide non seulement du verre, mais aussi du quartz, du niobate de lithium, du diamant, ou encore de polymères transparents. Des contrats sont régulièrement signés avec des entreprises de la haute horlogerie, du luxe, de l’aéronautique, de l’énergie et de la santé pour la mise au point de procédés et l’usinage de pièces en petites séries.

Les industriels se montrent également intéressés par une autre application d’avenir : la structuration des surfaces. Les impulsions d’un laser femtoseconde sont en effet capables de générer et de faire croître des nanostructures sur une surface, modifiant ainsi les propriétés fonctionnelles ou esthétiques de cette dernière. « On peut par exemple rendre une surface hydrophobe alors qu’elle est hydrophile par nature » raconte Jassem Safioui, ingénieur en nano-usinage par laser femtoseconde à FEMTO ENGINEERING.

Un tour de passe-passe capable de changer aussi les couleurs. Jassem Safioui présente une palette d’échantillons témoignant de l’étendue des possibilités. Ni gravure ni marquage sur ces minuscules objets en verre : les inscriptions en couleur, parfois franches, parfois seulement détectables selon un angle rasant de lumière, sont le résultat d’une modification de la matière, en surface, à fleur de surface, voire dans son épaisseur. L’or devient noir, la personnalisation évite la contrefaçon en toute discrétion… La révolution laser dans le domaine de l’usinage n’en est qu’à ses débuts.

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La fabrication additive en rajoute une couche

La fabrication par ajout de matière, ou fabrication additive, représente une façon totalement novatrice de concevoir et de fabriquer. Elle fait son chemin dans l’industrie où son concept fait écho à celui de flexibilité. Le principe de base est la fabrication d’une pièce ou d’un moule à partir d’une maquette numérique 3D. Métaux, céramiques et polymères, les trois classes de matériaux sont concernées par la fabrication additive, que servent différentes techniques, dont certaines sont, encore une fois, largement impactées par le boom des technologies laser.

C’est le cas de la microfusion laser sur lit de poudre métallique, un procédé parfaitement maîtrisé par l’équipe du LERMPS à l’UTBM, qui le met à la disposition des entreprises dans une offre globale de fabrication. « Car la conception d’une pièce en fabrication additive est à considérer d’une façon entièrement spécifique, explique Cécile Langlade, directrice du LERMPS. La conception représente à elle seule 60 à 65 % du travail de fabrication. Ici on n’enlève pas de matière à un bloc pour en tirer une pièce, mais on construit directement la pièce, ce qui change tout ». Une construction couche par couche réalisée selon une stratégie adaptée à la forme de la pièce, ce qui peut en modifier les propriétés mécaniques, qu’il est bon de connaître.

« Voilà pourquoi nous travaillons à l’écriture de normes avec d’autres experts au sein de la Commission de normalisation de la fabrication additive, raconte Lucas Dembinski, enseignant-chercheur spécialiste des poudres et du procédé de microfusion laser à l’UTBM. Cela donne confiance en un procédé de fabrication « jeune » comparativement aux techniques conventionnelles comme la fonderie ». La première étape de ce procédé consiste en l’atomisation de métaux sous la forme de poudres. Le LERMPS possède sa propre tour d’atomisation, ce qui lui permet d’optimiser les compositions des poudres, là encore spécifiquement pour les besoins de la fabrication additive. La microfusion laser consiste à faire fondre de manière sélective des couches de poudre déposées sur un plateau de fabrication. L’épaisseur de ces couches correspond au découpage en tranches du modèle 3D. La fusion sélective d’une couche de poudre s’opère grâce au balayage d’un faisceau laser guidé par des miroirs montés sur une tête galvanométrique, elle-même pilotée par ordinateur. Le processus se répète autant de fois que des couches sont déposées sur le plateau, jusqu’à obtention de la pièce finale. La pièce ainsi réalisée reste d’aspect relativement brut, comme dans les autres procédés de fabrication additive, nécessitant une opération de finition traditionnelle comme le microbillage ou le polissage.

La fabrication additive est un formidable outil de production, dont le côté révolutionnaire se résume dans les termes gain de matière et réalisation de formes complexes inédites, voire irréalisables avec d’autres procédés. Elle montre cependant ses contraintes et ses limites dans la fabrication de pièces métalliques : remise à plat de la conception, mise au point de poudres d’alliages spécifiques, reprise des finitions. « L’engouement suscité par la fabrication additive se voit tempéré depuis un an environ, confie Cécile Langlade. Il laisse place à une vision plus lucide du procédé, qui ne remplacera pas les techniques traditionnelles mais leur sera associé pour une optimisation des systèmes ».

La fabrication additive ne s’improvise pas, Lucas Dembinski le confirme. « Un module d’enseignement spécifique a été mis en place l’an dernier à l’UTBM ; des formations sont par ailleurs proposées aux industriels désireux de parfaire leurs connaissances en la matière. »

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Quelle place pour les robots ?

Si les entreprises françaises se sont montrées un peu frileuses vis-à-vis de la robotique, aujourd’hui elles sont plus nombreuses à se convaincre de son intérêt et à l’intégrer dans leur processus de production. Le spectre du robot prenant la place de l’homme s’éloigne peu à peu. « Le robot effectue des tâches ingrates, difficiles, aide à réduire les troubles musculo-squelettiques, à améliorer le taux de qualité des pièces produites. Parallèlement de nouveaux métiers se créent, dans la maintenance ou la logistique. L’Allemagne, le Japon, la Chine sont parmi les pays les plus robotisés au monde, et ce sont eux qui ont les taux de chômage les plus bas », rappelle Philippe Liscia.

La robotique collaborative, ou cobotique, en générant des interactions entre l’homme et le robot, est la nouvelle étape qui les mènera vers l’industrie du futur. La robotique collaborative n’en est qu’à ses débuts, de nombreuses voies d’exploration s’offrent encore aux industriels et aux chercheurs, mais elle commence déjà à apparaître dans les programmes de formation, comme l’explique Christophe Perrard, responsable pédagogique de la licence professionnelle ARIA1 à l’université de Franche-Comté. « Un module cobotique vient d’être intégré à la licence, cela correspond à une demande des industriels et marque notre différence en termes de formation. » Les étudiants bénéficient d’un enseignement adapté sur les machines de la plateforme pédagogique AIP-Priméca, où l’un des derniers développements en la matière concerne les déplacements d’un robot dans les limites d’un espace virtuel à ne pas franchir. « La pince que pilote le robot effectue un nombre considérable de mouvements à l’intérieur de cet espace, mais
arrête tout fonctionnement dès lors qu’elle atteint ses contours virtuels, comme si elle évoluait à l’intérieur d’une vraie boîte. »

La sécurité est bien sûr une condition sine qua non du développement de la robotique collaborative, pour les fabricants comme pour les enseignants et les chercheurs, qui déploient des trésors d’inventivité et de technologie pour l’assurer, par exemple grâce à des détecteurs de collision et la mise au point de robots « mous » aux axes souples et à la structure habillée de mousse, des dispositifs qui font valablement leurs preuves.

1ARIA : précisément, licence Automatique et informatique industrielle, option ARIA : Automatique et robotique industrielles pour l’assemblage.

Manipulation du robot Kuka

Le cobot Kuka, fleuron de la plateforme AIP Priméca
où il fait l’objet de développements technologiques

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Premières pierres du futur pour l’Arc jurassien

Le CETIM, le Centre technique des industries mécaniques, est l’un des relais en région du projet « Industrie du futur » lancé par le gouvernement français en 2015. Son rôle premier est d’accompagner les entreprises vers ce nouveau visage de l’industrie. « En matière d’équipement, cela concerne aussi bien les entreprises utilisatrices, qui ont besoin de renouveler ou compléter leur parc machine pour rester compétitives, que les fabricants, dont l’offre doit s’adapter à l’industrie de demain » explique Gérard Vallet, délégué du CETIM pour la région Bourgogne – Franche-Comté. « Notre rôle est également de fédérer les initiatives et de leur apporter de la cohérence. »
Fort du succès de l’opération Robot Start PME menée sur le territoire comtois en 2013, le CETIM bisontin était bien placé pour être encore un acteur pionnier du nouveau dispositif national en région. En 2015, il lance une opération de diagnostic spécifiquement destinée aux entreprises de moins de cinq mille salariés. Un préalable pour les aider à élaborer leur plan de développement industriel et leur faire connaître les dispositifs d’aide prévus, comme le recours à des experts reconnus dans leur discipline ou la possibilité de bénéficier de soutiens financiers. La production, l’organisation du travail, la gestion des compétences, l’intégration numérique et la dimension environnementale sont autant de directions qu’emprunte ce bilan pour préparer le futur.
Pour se renseigner sur l’industrie du futur, consulter le site www.industriedufutur.fim.net ; sur les dispositifs régionaux, contacter Gérard Vallet au CETIM Bourgogne – Franche-Comté, gerard.vallet@cetim.fr, tél. +33 (0)6 74 38 67 54.

En Suisse la philosophie est sensiblement la même. Pour rassurer un public d’entreprises inquiètes devant l’ampleur du phénomène, mais en même temps conscientes de son importance et désireuses « d’en être », la charte Industrie 2025 donne informations et conseils sur le site www.industrie2025.ch. La Confédération apporte par ailleurs un soutien financier aux entreprises signataires d’accords de recherche appliquée avec des structures universitaires telles que la Haute Ecole Arc. Elle souhaite les accompagner dans leur effort d’adaptation industrielle et la prise de risque que cela suppose, les entreprises ayant à adapter un système de production souvent performant pour bifurquer vers des solutions certes innovantes, mais qui ne porteront leurs fruits que dans plusieurs années.

 

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Si la technologie porte la 4e révolution industrielle, les aspects sociétaux se profilent immédiatement en arrière-plan. Ce sont les jeunes générations qui aideront à franchir le cap, elles qui sont nées avec la technologie, qui n’ont pas eu à s’y adapter ou à en avoir peur. Plus encore, qui ne conçoivent pas leur vie sans elle, en privé comme dans l’entreprise. La technologie, en lui apportant assistance, communication et confort de travail, permettra-t-elle à l’homme de prendre une place pleinement active dans l’économie du futur ?

 

  

Contacts :

Nabil Ouerhani / Claude Jeannerat / Philippe Liscia
Haute Ecole Arc Ingénierie
Tél. +41 (0)32 930 22 08 / 22 26 / 13 72

Kamal Medjaher / Noureddine Zerhouni / François Courvoisier
Institut FEMTO-ST
Université de Franche-Comté / ENSMM / UTBM / CNRS
Tél. +33 (0)3 81 40 27 96 / 28 05 / (0)3 63 08 24 23


Grégory Haye
/ Jassem Safioui
FEMTO-ENGINEERING
Tél. +33 (0)3 63 08 24 13 / 23 89

Olivier Lamotte / Cécile Langlade / Lucas Dembinski
UTBM – Tél. +33 (0)3 84 58 33 44 / 37 25 / 32 06

Christophe Perrard – Université de Franche-Comté
Tél. +33 (0)3 81 66 66 06

 

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