Le succès renouvelé et retentissant de l’horlogerie suisse, après plusieurs décennies en sourdine, ravit autant qu’il interroge. Quels sont les secrets d’une renaissance exemplaire, et quelles évolutions se profilent à l’horizon pour ce fleuron de l’industrie régionale ? Explications en cinq temps dans une exposition concoctée par la Haute école Arc Ingénierie et le musée d’Horlogerie du Locle.
La main, la manufacture, les codes, le service, le Swiss made… voilà l’industrie horlogère démasquée en cinq concepts-clés et autant de salles à découvrir dans une exposition désireuse de lever le voile et d’apporter ses témoignages. Celui de la Haute école Arc Ingénierie, héritière de technicum horlogers fondés voilà cent cinquante ans, et qui cultive formation de haut niveau et recherche de pointe. Celui du musée d’Horlogerie du Locle, gardien de collections originales et transmetteur de connaissances dans le cadre exceptionnel du château des Monts. « Derrière le luxe horloger se cache un objet hautement technologique, tant par ses techniques de fabrication que dans le traitement de la matière, ou encore la conception et la réalisation des mouvements », rappelle Philippe Grize, directeur du domaine Ingénierie de la Haute Ecole Arc, et qu’un parcours professionnel centré sur la micromécanique a laissé découvrir la richesse du patrimoine technique régional.
« Au-delà d’un savoir-faire incroyable, voire inimitable, l’exigence de qualité et la science du travail bien fait sont profondément inscrites dans la culture de l’Arc jurassien. » Ses convictions rejoignent l’enthousiasme de Magali Babey, responsable communication du domaine Ingénierie, et de Morgan Mootoosamy, conservateur du musée, tous deux à l’origine du projet. Bâtie avec l’ambition de « montrer ce qu’est l’horlogerie aujourd’hui, d’imaginer ce qu’elle pourrait être demain, tout en témoignant de son passé », l’exposition se nourrit des travaux et réalisations des élèves et des recherches effectuées à la Haute Ecole Arc.
La Haute Ecole Arc est la seule structure à proposer une formation d’ingénieur horloger en Suisse. Elle est basée sur cinq disciplines : mouvement, complications, habillage, chronométrie, technologies horlogères, et offre une spécialisation en trois ans, se concluant par un travail pratique réalisé le plus souvent pour une entreprise horlogère.
Conception des produits du futur, optimisation des systèmes, amélioration de la précision, maîtrise des nouvelles technologies et des matériaux modernes sont les principales compétences acquises par ces futurs professionnels de la R&D en horlogerie.
Premier facteur-clé du succès de l’industrie horlogère, la main de l’artisan. Base et symbole évident d’un savoir-faire historique, elle est évoquée à travers l’art et la technique de la gravure, dont une base de données prévoit de conserver précieusement les gestes en mémoire pour ne rien perdre de pratiques séculaires. Chargé d’exercer son contrôle sur le travail de la main, l’œil joue aussi traditionnellement un rôle de premier plan. Il est aujourd’hui secondé par des algorithmes mathématiques intégrés dans des systèmes de contrôle nouvelle génération, même lorsque l’opération de gravure reste manuelle.
La main amène naturellement à la manufacture, caractérisée par sa capacité à fabriquer elle-même tous les composants de sa production. Et à lui imprimer par là même sa personnalité. « Chaque marque construit une philosophie de l’exclusivité et du prestige, dans laquelle peuvent entrer l’histoire, la science, l’art, des lieux, des personnages… »
Les codes sont les signes de reconnaissance de la marque et intègrent les conventions esthétiques que celle-ci utilise pour distinguer ses produits, s’inspirant par exemple des grands courants artistiques des siècles passés.
Quatrième facteur-clé de réussite, le service est une notion très élargie et intègre l’idée de satisfaction avant la vente, avec de nouveaux outils comme cette tablette matérialisant, à l’aide de la réalité augmentée, l’essayage d’une montre absente du stock d’un magasin. Le service après-vente traditionnel risque, quant à lui, de pâtir d’un déficit de main d’œuvre qualifiée, d’horlogers maîtrisant le savoir-faire nécessaire au contrôle et à la réparation des millions de montres mécaniques vendues ces vingt dernières années et qui, potentiellement, auront à revenir dans les ateliers dans les vingt prochaines.
Enfin, le Swiss made est la dernière clé du succès. Label garantissant une fabrication suisse pour au moins 50 % de la valeur d’une montre par ailleurs assemblée et contrôlée sur le sol helvète, il prend évidemment encore plus de sens lorsqu’on lui adjoint les notions de culture et d’histoire horlogère, que nombre de marques font valoir.
Forte de ses atouts et d’un succès indiscutable, l’industrie horlogère se prépare à négocier de nouveaux virages : enjeux de la formation, utilisation de techniques et de matériaux innovants, conception de la production intégrant de nouvelles technologies… Autant de sujets développés dans les programmes de recherche initiés à la Haute école Arc Ingénierie.
Ou les cinq temps de l’industrie horlogère est visible au musée d’Horlogerie du Locle jusqu’au 31 octobre 2015. Elle est assortie de la programmation d’une série de conférences :
– La manufacture… entre tradition et innovation, le 27 août
– FabLabs, projets collaboratifs, open innovation et horlogerie : incompatibilité ?, le 3 septembre
– Partenariats académico-industriels, et si on innovait ?, le 10 septembre
– Traitements de surface innovants pour l’horlogerie, le 24 septembre
– Les microtechnologies, un héritage horloger, le 1er octobre
– Le marketing expérientiel et les nouveaux services liés au produit : opportunités pour l’horlogerie suisse, le 8 octobre
– Smart & micro manufacturing en horlogerie : une nouvelle révolution industrielle ?, le 15 octobre
Pour tout renseignement : www.expopourquoijetaime.ch.
Contact : Philippe Grize / Magali Babey
Tél. (0041/0) 76 557 11 20 / 32 930 13 62
