Université de Franche-Comté

Des espèces par milliers découvertes dans le plancton

Les dernières et immenses découvertes sur la biodiversité du plancton l’attestent : ce ne sont plus des arbres phylogénétiques mais des forêts entières que les biologistes vont bientôt devoir créer. À l’université de Neuchâtel, Enrique Lara est spécialiste de la diversité des protistes, des organismes unicellulaires de taille microscopique. Matthieu Mulot, comme son collègue rattaché au laboratoire de biologie du sol où il est doctorant sous la direction d’Edward Mitchell, est passionné d’informatique. Le jeune chercheur entre avec enthousiasme dans l’ère de la bio-informatique, dont la capacité à traiter un nombre considérable de données promet de révolutionner la recherche en biologie. Tous deux ont participé à l’aventure Tara Oceans qui, grâce au prélèvement de centaines d’échantillons de plancton de l’Antarctique à la Mer Rouge en passant par la Méditerranée durant sa dernière expédition, a donné du grain à moudre à quelque cinquante chercheurs provenant de trente-cinq laboratoires de neuf pays depuis le retour du voilier scientifique en 2013. Et ce n’est qu’un début.

90 % d’espèces en plus

Les premiers résultats ont fait l’objet d’un article dans Science en mai dernier. Pas moins de 800 millions de séquences ADN ont été collectionnées, donnant lieu à l’identification de plus de deux millions de séquences uniques, elles-mêmes représentant plus de 140 000 espèces. À peine 10 % d’entre elles étaient connues de la science avant Tara.

« Et encore ! précise Matthieu Mulot. Chez les micro-organismes, on entend par espèces le regroupement d’individus présentant à peu près la même séquence ADN d’un gène de référence. Transposé au règne animal, ce principe simplificateur placerait l’être humain dans la même espèce que le cochon. » Un amalgame que bien peu trouveraient flatteur, mais qui montre surtout à quel point on est encore loin du compte dans le monde de l’infiniment petit.

Le plancton, un enjeu pour l’environnement

Pour achever de donner une idée de la démesure à laquelle est confrontée la science, Matthieu Mulot précise que « les prélèvements marins effectués ne concernent que la couche éclairée par le Soleil, soit les deux cents premiers mètres de la profondeur des eaux, dans le meilleur des cas… »

Décrire la biodiversité du plancton apparaît un enjeu essentiel. Les organismes photosynthétiques qui en font partie fixent autant de carbone que toutes les plantes terrestres réunies. Par la même occasion, ils produisent 50 % de l’oxygène sur Terre.

Comprendre les interactions entre les différentes espèces qui le constituent l’est tout autant, car pour être invisibles et silencieux, les micro-organismes ne se livrent pas moins une guerre chimique permanente pour assurer leur survie selon un équilibre sans doute à préserver.

Si le traitement des données engrangées par Tara améliore considérablement la connaissance de la diversité, il ne remet pas en cause sa classification originelle, et même corrobore les fondements de la discipline, à l’aune des méthodes de mesure les plus actuelles. Le formidable développement des techniques de séquençage permet aujourd’hui de penser que la connaissance du monde de l’infiniment petit, qui n’en est qu’à ses balbutiements, va pouvoir prendre tout son essor.

Graphique de données fournies par Tara Oceans

Augmentation de la longueur de l’arbre phylogénétique après addition des données de Tara pour les principales lignées des super
groupes Rhizaria et Stramenopila.
Les données fournies par Tara Oceans ont augmenté l’information phylogénétique sur chaque groupe de 453 % en moyenne,
et jusqu’à 3 560 %. Source : Eukaryotic plankton diversity in the sunlit ocean, Colomban de Vargas et al., Science, mai 2015.

Contact : Matthieu Mulot / Enrique Lara
Laboratoire de biologie du sol
Université de Neuchâtel
Tél. (0041/0) 32 718 31 21 / 22 52

Retour en haut de page

 

retour