Université de Franche-Comté

De l’usage du jeu pour tester les théories économiques

Née dans les années 1930 aux États-Unis mais véritablement apparue dans les années 1950, parallèlement à la théorie des jeux, l’économie expérimentale a atteint la reconnaissance en 2002, avec le Prix Nobel décerné à Vernon Smith. En France, elle se développe sérieusement depuis le début des années 2000, et à Besançon, le laboratoire CRESE — Centre de recherche sur les stratégies économiques — de l’université de Franche-Comté lui donne toute sa place.

 

 

En économie, il y a les théoriciens et les expérimentateurs, ou expérimentalistes. Les seconds se sont donné pour mission de confronter les théories élaborées par les premiers à l’épreuve du réel, dans des expériences « scientifiques » — au sens strict du terme, comme dans un tube à essai — qui prennent souvent la forme de jeux. « Nos expériences ne portent pas sur les molécules, mais sur les agents économiques. On place des gens en situation, et à un moment donné on change quelque chose. L’intérêt, c’est le contrôle. Cette démarche complète celle des études statistiques traditionnelles », explique François Cochard, maître de conférences spécialiste de l’économie expérimentale au sein du laboratoire CRESE. Ce laboratoire pluridisciplinaire compte dix-sept membres permanents et, parmi le vaste champ de recherche qui s’offre à lui, planche aujourd’hui notamment sur les thématiques des enchères et de l’expertise. « L’idée est celle d’un va-et-vient entre théorie et expérimentation. Si la théorie est vérifiée, on testera sa robustesse. Si elle s’avère fausse, cela interroge fortement les théoriciens et suscite de passionnants débats ».

 

À l’université de Toulouse, d’où il arrive, François Cochard a étudié le comportement économique des couples (où l’hypothèse de la « mise en commun des ressources » s’est finalement révélée vérifiée pour beaucoup de couples mais pas tous), et ses travaux de thèse ont porté sur l’utilité des taxes et subventions dites « ambiantes », s’appliquant aux agriculteurs en matière de pollution due aux pesticides. D’où il était ressorti qu’elles aussi constituaient une politique assez efficace…

 

 

Introduire l’irrationnel

« C’est une discipline qui tire sa méthodologie de la psychologie, on étudie des comportements très précisément ». Schématiquement, les théories économiques partent du principe que les agents sont rationnels et individualistes. « Mais on s’est rapidement rendu compte que ce n’est pas le cas. Pour la finance, par exemple, les traders ne sont pas forcément hyperrationnels, quelquefois ils imitent, ce qui peut parfois se justifier mais aussi les mener droit dans le mur, c’est d’ailleurs ce qui s’est produit lors de la crise financière ». L’apport de la psychologie permet de prendre en compte des notions longtemps laissées de côté par les économistes, comme la confiance, la sympathie ou la peur du risque.

 

La discipline a ses grands classiques  : le jeu de l’ultimatum, celui du dictateur, du bien public, des marchés financiers, du dilemme du prisonnier… Ce dernier, qui étudie l’attitude de deux complices interrogés séparément, a de nombreuses applications et trouve une triste illustration dans la course à l’armement nucléaire. « Il trouve aussi un exemple frappant aujourd’hui en Europe avec la crise économique : il faudrait un plan de concertation européen, mais comme il n’y a pas d’Europe politique… ». L’économie expérimentale permet d’étudier des solutions pouvant contribuer à résoudre ce type de problème.

 

 

 

Méthodologie  : des étudiants dans le tube à essai

 

Le tube à essai de l’expérimentaliste, c’est une salle compartimentée — pour garantir le contrôle scientifique et décontextualiser au maximum — et équipée d’ordinateurs. Dans un premier temps, souvent, les « cobayes » sont des étudiants qui vont se prêter au jeu, gagner des points en fonction de leurs décisions, des interactions avec celles des autres joueurs, du hasard… et repartir avec les 10, 20, 30 ou 50 euros qu’ils auront gagnés. « Le joueur qui part avec son gain, c’est vraiment un principe fondamental », assure François Cochard. L’expérimentation pourra ensuite être reconduite avec la population concernée.

 

 

 

Contact : François Cochard

CRESE

Université de Franche-Comté

Tél. (0033/0) 3 81 66 67 76

 

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