Décortiquer l’innovation pour mieux l’accompagner

Où en est la Franche-Comté en matière d'innovations ? Comment s'organise le système régional d'innovation ? Quelle place la recherche prend-elle ? La tradition locale d'innovation sociale peut-elle constituer une voie de différenciation ? Telles sont quelques-unes des questions structurantes qui ont guidé l'élaboration d'un diagnostic régional de l'innovation, étape préalable à la définition d'une stratégie.

À la demande de la Préfecture de région Franche- Comté, des chercheurs de RÉCITS (UTBM), de ThéMA (université de Franche-Comté) et de l'IRTS, associés au sein de la Maison des sciences de l'homme et de l'environnement C. N. Ledoux, ont conduit ce diagnostic. Après en avoir coordonné la réalisation, Fabienne Picard, chercheuse au laboratoire RÉCITS, accompagne aujourd'hui la DRIRE, la DRRT pour l'État et le Conseil régional de Franche-Comté dans leur réflexion commune sur l'élaboration d'une stratégie régionale : quels leviers actionner pour favoriser l'innovation dans les entreprises, petites et grandes ? Comment améliorer le fonctionnement de la « machine à innover » ? Au menu du cahier des charges de ce deuxième volet s'affiche la volonté partagée de définir une stratégie régionale claire, resserrée, fondée sur le dialogue et la complémentarité des acteurs. Une démarche qui augure d'une gouvernance nouvelle de l'innovation, en phase avec les recommandations de la Commission européenne.

Des préconisations s'appuyant sur le terrain

Les orientations stratégiques seront présentées fin 2009 aux décideurs publics. Elles s'appuient sur la confrontation des éléments du diagnostic à la réalité du terrain. Les acteurs de l'innovation ont donc été étroitement associés à cette réflexion à l'occasion d'entretiens et de journées de travail. Huit orientations stratégiques ressortent, dont le renforcement de la culture d'innovation dans les PME, le développement des réseaux de recherche et de l'innovation collaborative, l'amélioration de l'efficacité des systèmes d'accompagnement public, le soutien des activités nouvelles pour entrer sur de nouveaux marchés, et le renforcement du capital humain.

Pour une innovation sociale

Confrontés à la difficulté d'appréhender la réalité complexe de l'innovation au niveau régional, les chercheurs ont mobilisé divers outils d'analyse, tout en prenant appui sur une méthodologie de l'ADIT — Agence de diffusion de l'information technologique. Ainsi, Edwige Dubos-Paillard et Sophie Carel, chercheuses au laboratoire ThéMA, ont coordonné et analysé une enquête auprès des établissements des cinq filières clés de la région — bois, agroalimentaire, automobile, microtechniques et plasturgie. Les 925 réponses obtenues permettent d'éclairer les caractéristiques des formes d'adaptation des entreprises franc-comtoises aux évolutions de leur environnement et les obstacles à l'innovation. Cette enquête confirme la présence d'un réel potentiel d'innovation, et ce, dans les cinq filières industrielles étudiées. Même les plus petites entreprises bâtissent des stratégies pour s'adapter aux contraintes du marché.

Ce constat posé, d'autres enseignements, dont l'importance varie selon les filières, sont ressortis : l'obstacle à l'innovation est avant tout financier, mais la lourdeur des normes freine également les initiatives, de même que le manque de personnel qualifié. Parallèlement, l'analyse des indicateurs statistiques traditionnels, montre une Franche-Comté relativement bien dotée en recherche privée. Mais derrière les chiffres, se cache une réalité plus nuancée : une fois les équipes R&D de PSA, ALSTOM et GENERAL ELECTRIC soustraites, la matière grise privée n'est plus aussi importante qu'il y paraît. Certes, 2 % du PIB sont alloués à la recherche mais en valeur absolue, le montant de l'investissement ne permet pas d'atteindre une masse critique. Quant à la recherche publique, elle est également explorée par Gérard Creux et Claire Chantefoin, sociologues à l'IRTS. La Franche-Comté fait partie des régions européennes moyennement innovantes. Aider les PME, tout le monde le fera. En revanche, le dialogue social et l'innovation sociale pourraient faire partie des éléments différenciateurs.