Université de Franche-Comté

Cueillir les vitamines et les protéines des plantes

Au cœur des plantes, les chloroplastes sont de parfaites usines de biosynthèse, laissant imaginer qu’à l’avenir on puisse produire des vitamines ou des protéines à l’échelle industrielle, à partir de végétaux naturellement sélectionnés. Une avancée liée à une connaissance toujours plus pointue de la génétique des plantes.

 

 

Si la photosynthèse est un processus primordial assurant la vie des plantes par transformation du gaz carbonique de l’atmosphère en glucides, elle joue également bien d’autres rôles. Sous l’action de l’énergie lumineuse du soleil, se fabriquent aussi des protéines, des vitamines, notamment E et K1, des acides gras, des acides aminés, le tout à l’intérieur des chloroplastes, véritables usines métaboliques nichées au cœur des cellules végétales. Les chloroplastes abritent des plastoglobules assurant la production et le stockage : ces gouttelettes lipidiques représentent un environnement convenant parfaitement à des substances comme les vitamines, totalement hydrophobes.

 

Elles sont également peuplées d’enzymes, dont les chercheurs de l’université de Neuchâtel viennent de découvrir l’importance capitale.

 

C’est en effet l’action de l’enzyme NDC1 qui rend possible l’élaboration de la vitamine K1 au dernier stade de la photosynthèse. Cette découverte, publiée en août dernier dans la revue américaine Proceedings of the national Academy of Sciences, met en évidence que, dans le cas de plantes mutantes ne fabriquant pas l’enzyme NDC1, la vitamine K1 est remplacée par un précurseur. Cette sorte d’ersatz permet à la plante de croître, mais ne présente plus les qualités qui sont habituellement associées à la vitamine K1 et font la renommée diététique des laitues, choux, épinards et autres brocolis.

 

Les expériences ont été menées sur l’arabette des dames, une herbe très commune cultivée pour les besoins de la recherche moléculaire, qui s’apparente à une souris de laboratoire végétale. Les comparaisons établies entre variété sauvage et variétés mutantes de l’arabette ne laissent aucun doute quant à l’action déterminante de l’enzyme NDC1. Une partie de ces travaux ont été effectués au service de chimie analytique de l’université sur un spectromètre de masse très sophistiqué, capable d’identifier de petites molécules sur des structures complexes.

 

 

Les protéines, la crème des plastoglobules

Les vitamines, qui sont de toutes petites molécules, sont stockées à l’intérieur des plastoglobules. Les protéines, énormes en comparaison, se trouvent à leur surface. « Elles peuvent facilement être isolées par séparation de phase, une opération semblable à l’écumage de la crème se formant à la surface du lait » explique Félix Kessler, directeur du laboratoire de physiologie végétale de l’université de Neuchâtel. Les expériences sont ici menées sur des plantes à larges feuilles, riches en chloroplastes, autorisant une production plus importante.

 

Car c’est bien de production dont il est question, une potentialité dont l’industrie, notamment pharmaceutique, pourrait tirer avantage. Certains médicaments, comme l’insuline pour traiter le diabète ou les interférons contre la sclérose en plaques, proviennent de protéines fabriquées à partir de culture de levures, de bactéries, de cellules d’insectes ou de mammifères. L’utilisation des plantes pourrait s’avérer une alternative intéressante, limitant les risques de contamination pathogène tout autant que les coûts induits par les méthodes en vigueur.

 

Elle pourrait également être déclinée à l’usage de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la médecine et de la cosmétique. « La connaissance des gènes a considérablement évolué. Nous sommes aujourd’hui à même d’opérer des sélections intelligentes et ciblées, de créer des substances sur mesure, raconte Félix Kessler. Il est envisageable d’imaginer des productions durables, basées sur des processus naturels de sélection de végétaux qui seraient à même de se substituer aux fabrications pétrochimiques actuelles. »

 

 

Contact : Félix Kessler

Laboratoire de physiologie végétale

Université de Neuchâtel

Tél. (0041/0) 32 718 22 92

 

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