Université de Franche-Comté

Avortement et contraception, le choix de la maternité

Au cours du XXe siècle, la légalisation de l’avortement et la généralisation de la contraception interviennent au terme d’une longue et terrible lutte. Elles donnent aux femmes une liberté et un pouvoir inédits, et balaient en quelques décennies des siècles de domination masculine. L’évolution de la société française offre alors un contexte favorable à ce renversement de tendance qui, depuis, tente de trouver ses ajustements, sans cesse questionné par des problématiques à la croisée du droit et de l’éthique.

 

 

 

 

Puisant leurs origines dans une histoire séculaire, s’appuyant sur les avancées sociologiques et scientifiques, les lois s’attachant à la vie de la personne humaine offrent aujourd’hui à la femme le choix de la maternité, après qu’elle ait été l’affaire des hommes, du religieux et du politique. Droit de prévenir ou d’interrompre une grossesse, pouvoir de transgresser les lois de la nature pour enfanter, donner la vie est désormais essentiellement une affaire… de femmes. La boucle tracée par la physiologie est bouclée par le droit dans une sorte d’ironie tragique. Ce revirement, radical au point de poser au seuil des années 2000 la question de l’équilibre de la parentalité, se greffe à d’autres réflexions essentielles concernant la vie, mêlant intimement droit, sociologie et éthique.

 

Dans son livre Maternités et libertés, Françoise Bouvier, enseignant-chercheur en droit à l’université de Franche-Comté, considère ces différents éclairages dans une dimension historique.

 

Quand commence la vie ?

L’auteur expose que la définition même de la vie conditionne, par-delà les siècles, toute réglementation. Cellule, embryon, fœtus… quand commence la vie ? Avant que la science ne puisse résoudre cette question, la religion s’empare de la réponse. À partir du IIIe siècle après J.-C., l’avortement est un crime sévèrement puni, d’autant plus qu’il intervient tard dans la gestation : si l’on supprime la vie alors que le fœtus est réputé pourvu d’une âme, alors l’enfant en devenir ne pourra gagner le salut éternel. Le politique prend le relais du religieux et, sous couvert des enjeux de repeuplement de nations décimées par les guerres, les famines et les épidémies, autorise la répression la plus extrême comme au XVIe siècle où elle atteint un triste apogée. Le règne d’Henri II confond avortement et infanticide, et la mère d’un enfant mort-né est exposée à la peine de mort, sans aucune présomption d’innocence. À cette époque, « le tribut payé par les femmes à la maternité est effrayant. Les femmes meurent des remèdes qu’elles absorbent pour ne pas être enceintes, meurent en couches, meurent d’avortements mal conduits et meurent d’être soupçonnées d’avortement.»

 

La Révolution française, qui privilégie la liberté individuelle à l’intérêt général, est plus tolérante, et la loi de 1791 commue la peine de mort en peines d’emprisonnement, puis le code napoléonien revient à une répression plus dure.

 

 

La loi bioéthique décryptée

Adoptée en France en 1994, la loi bioéthique est révisée une première fois en 2004, et fait l’objet d’un réexamen d’ensemble le 7 juillet 2011. Prélèvements d’organes, assistance médicale à la procréation, clonage, recherche sur l’embryon sont autant de sujets passés au crible de la loi, commentée et analysée dans l’ouvrage que lui consacre Jean-René Binet, La réforme de la loi bioéthique. Directeur du Centre de recherches juridiques de l’université de Franche-Comté, spécialiste du droit de la bioéthique, Jean-René Binet a été associé à ce processus de révision et se fait le relais des débats et des décisions prises.

 

Partant des progrès de la science et de l’évolution de la société, le réexamen de la loi a montré la pérennité de sa structure et a abouti à une réforme jugée « modeste et prudente ». L’ouvrage de Jean-René Binet apporte un éclairage exhaustif et précis sur la loi du 7 juillet 2011, replaçant ses termes dans leur contexte et témoignant d’enjeux fondamentaux pour l’avenir de la société.

 

Binet J.-R., La réforme de la loi bioéthique, préf. J. Leonetti, éditions LexisNexis, collection « Actualités », 2012.

 

Contact :

Jean-René Binet

CRJFC — Centre de recherches juridiques de Franche-Comté

Université de Franche-Comté

Tél. (0033/0) 3 81 66 36 65

 

 

 

Le tournant des années 1970

Au début du XXe siècle, le statut de l’avortement passe du crime au délit (loi de 1923) et en 1939 l’État mise sur une politique nataliste inédite. « Pour la première fois, la maternité est considérée en termes économiques. » En 1945 apparaît le congé de maternité indemnisé et les années 1950 marquent le début d’une évolution des mentalités et de la société, trouvant son apothéose dans les mouvements de contestation des années 1970.

 

En France, la loi du 17 janvier 1975, dite loi Veil, est le premier pas vers la légalisation de l’avortement, et la généralisation de la contraception s’opère dans la foulée. La femme devient, à l’aube du troisième millénaire, pleinement maîtresse de sa fécondité et de sa maternité.

 

De tels bouleversements sont rendus possibles par une conjoncture favorable au cours du XXe siècle, qui voit s’étioler le dogme judéo-chrétien tout comme les besoins natalistes, parallèlement à l’affirmation du statut de la femme dans la société.

 

Le droit prend ses distances avec la science, qui affirme le principe de vie dès la conception, et lui oppose la notion de « personne humaine potentielle » défendue par le Comité national d’éthique. L’embryon dispose d’un « droit relatif » au respect de sa vie, et c’est sur ce postulat qu’est fondée toute la législation actuelle.

 

 

Manifestation en faveur de l'avortement

 

 

Favoriser la contraception : des dispositions récentes

La légalisation de l’avortement n’a pas généré la banalisation que certains craignaient et le nombre de 200 000 avortements par an reste une moyenne stable depuis trente ans en France. Cependant, on espère voir baisser ce chiffre grâce aux lois édictées ces dix dernières années en faveur de la contraception, qui voient la mise en place de nombreuses actions d’information et d’éducation en direction des jeunes, facilitent l’accès à la contraception et multiplient les prescripteurs. L’interdiction de sa publicité, exigée par les politiques natalistes d’hier, est levée. Enfin, la loi du 4 juillet 2001 marque une étape supplémentaire en autorisant la stérilisation volontaire chez les personnes majeures.

 

 

 

 

Bouvier F., Maternités et libertés. Avortement, contraception, statut de l’embryon, éditions L’Harmattan, 2012.

 

 

Contact : Françoise Bouvier

CRJFC — Centre de recherches juridique de Franche-Comté

Université de Franche-Comté

Tél. (0033/0) 06 08 87 48 51

 

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